L’abominable Docteur Phibes

Délices kitsch

Ah, mais c’est bien, c’est très très bien même ! Je me suis régalé hier soir de cette histoire horrifique, mais narquoise, outrancière et pleine de clins d’œil délicieux, pleine d’humour anglais et suffisamment décorative pour ravir l’honnête amateur de films épouvantables…

Naturellement, pour apprécier L’abominable Docteur Phibes, il ne faut pas s’appuyer sur la pertinence des caractères, la cohérence des péripéties, ni même la vraisemblance des crimes affreux commis par Phibes (l’excellent Vincent Price), crimes qui sont, dans sa tête malade, des vengeances justifiées à l’encontre d’une large (!) équipe médicale qu’il prétend responsable de la mort, sur la table d’opération, de sa femme chérie.

Il faut se laisser aller à une sorte de divertissement kitschissime, s’amuser de l’ingéniosité des assassinats – qui se rapportent tous à l’une des Dix plaies d’Égypte, envoyées par Yahweh pour permettre au Peuple élu de quitter la férule de Pharaon -, admirer la grandiloquence des compositions hautement colorées, d’une esthétique très Seventies, jubiler devant ces grands mouvements esthétisants de Phibes jouant de l’orgue électrique dans une sorte d’hystérie baroque, apprécier ses délirantes tenues pénitentielles, faire mine de s’effrayer lorsque, à la fin du film, arrachant son masque, il révèle un visage de brûlé cauchemardesque…

Phibes

En bref, il faut être suffisamment bon public, goûter l’esprit des feuilletons horrifiants, l’humour noir, les cadavres qui s’accumulent, la pointe de sadisme qui fait applaudir le talentueux tueur, et parallèlement, pourtant, frémir d’agacement devant la balourdise des policiers qui arrivent toujours en retard…

L’abominable Docteur Phibes est à la croisée de beaucoup de traditions du film d’épouvante : le Savant fou, la Vengeance impitoyable (j’ai pensé beaucoup à l’excellente Journée bien remplie, de Jean-Louis Trintignant), l’utilisation littérale de la Bible, la disgrâce physique (les multiples Fantôme de l’Opéra)… Enfin, la pirouette finale est excellente et bien venue…

Vincent Price, au masque – forcément – inexpressif (forcément, puisque c’est un masque !) est triomphalement méchant ; excellente idée de ne lui donner la parole que grâce à un équipement acoustique compliqué qui retranscrit mécaniquement sa voix ; un des gangsters de L’année du dragon, de Cimino est semblablement appareillé); Joseph Cotten est plus banal ; mais je trouve que Virginia North, en assistante maléfique et muette de Phibes a bien de la grâce (les anges noirs en ont souvent !)…

Une série B (ou W, ou Y, ou Z, si l’on veut), mais remarquablement tenue !

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