Niais.
Je ne sais pas pourquoi je m’étais méfié, lors de la sortie du film dans la défunte (et regrettée) collection Canal+ classique (qui a également édité, du même réalisateur Marthe Richard au service de la France) et ne l’avais pas acheté…
Pourtant Michel Simon, Louis Salou, Saturnin Fabre, cela faisait trois excellentes raisons pour une emplette…
Qu’est-ce qui m’a retenu, alors ? Sans doute Paul Bernard, jeune premier qui fut en vogue, trop calamistré pour être honnête (comme il est agaçant dans Panique !) et, en plus, premier rôle des ridicules Dames du Bois de Boulogne, exercice glacé et mortel d’ennui du rigolo Robert Bresson mais aussi et surtout Madeleine Sologne, à qui j’ai toujours trouvé l’œil vide, la lèvre parcimonieuse et la blondeur stupide depuis l’épouvantable Éternel retour.
Il y a eu toute une kyrielle de films sur la Résistance, après la fin du conflit ; il y a eu La bataille du rail ; et aussi l’honnête Jéricho et l’intéressant Retour à la vie où quatre cinéastes (Cayatte, Clouzot, Dréville et Lampin) évoquent le retour des prisonniers et des déportés…
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Et finalement j’ai cédé aux sirènes des DVD quasiment bradés et j’ai acheté Un ami viendra ce soir, passant deux heures à regarder ce film emphatique et tout autant insignifiant, dans l’absolue certitude que je ne le regarderai pas une autre fois.
Ce qui est drôle, c’est que, comme je le pensais, c’est un cruel ratage en regard de la magnifique Bataille du rail, qui offre un véritable souffle épique, mais aussi du Jéricho d’Henri Calef, qui me semble autrement plus dense.
Ne pas oublier que ces trois films ont été tournés aux immédiats lendemains de la Libération, et qu’il ne s’agit pas de tenir un discours congrûment nuancé ; euphorie de la victoire, bonheur des libertés retrouvées, discours de fraternité et d’unité : il n’y a pas, dans ces trois films d’allusion politique, de prise de position partisane, de stigmatisation de la Collaboration : la Nation en armes s’est dressée, a su balayer l’humiliation de la Défaite, et bouter hors de France l’ennemi ; il y a là une sorte de légende dorée, absolument nécessaire, sans doute, dans un pays aussi traumatisé par les cinq années passées, mais sûrement assez peu conforme aux réalités vécues en 45/46 : instabilité politique, épuration, poursuite du rationnement, début de la guerre d’Indochine.
Un ami viendra ce soir est pompeux, mélodramatique et terriblement théâtral : c’est écrit – au pire sens du terme -, surjoué, plein de scènes à faire ; émanant du scénariste Jacques Companeez, l’argument a donné d’abord lieu à une pièce de théâtre, que le réalisateur Raymond Bernard a transposé au cinéma : ça se sent terriblement et c’est assez pesant ; d’autant que les numéros d’acteurs sont continus et revendiqués.
J’ai trouvé Michel Simon un peu crispant, dans un rôle d’hurluberlu bienveillant trop prévisible ; Saturnin Fabre , poitrail dénudé en avant, sort son épingle du jeu ; mais, avant tout, je me suis régalé de la hauteur et de la distance prise par Louis Salou, qui fut l’impeccable comte de Mortray, amoureux de Garance, des Enfants du Paradis et le prince Ranuce-Ernest IV de La Chartreuse de Parme, qui est absolument parfait.
Mais Madeleine Sologne est une véritable catastrophe ; son jeu stéréotypé n’a jamais trouvé de défenseur, et la dame, mythique vedette de l’accablant Éternel retour le comprit assez vite pour disparaître des écrans avant même sa quarantaine ; mais, hors la lourde vague de ses cheveux teints, son physique sans attraits particuliers, la vacuité de son regard et ses lourds maxillaires rendent surprenante la petite notoriété dont elle bénéficia, peut-être uniquement due à l’euphonie de son pseudonyme…
Donc, ça ne vaut pas tripette, et la pesante musique d’Arthur Honegger, qui fut une gloire de la musique contemporaine, à prétention humaniste et philosophique n’ajoute rien de bon au film de Raymond Bernard, qui ne laissa d’autre gloire que de mettre en scène, un peu plus tard, le stupéfiant Luis Mariano dans La belle de Cadix.