L’écran-grisaille.
Sans être certain que c’est toujours du cinéma, j’aime assez généralement les films du duo (à la scène comme à la ville) Jaoui/Bacri ; qu’il soit seulement scénariste (le duo !), comme dans Cuisine et dépendances et Un air de famille ou que Madame passe derrière la caméra ; si Comme une image n’était pas mal, sans plus, je me suis souvent régalé du vu et revu Le goût des autres qui, malgré le côté un peu farfelu de l’anecdote, est ici et là un bonheur d’inventions et de subtilités (et qui m’a révélé une magnifique actrice, qui fait trop de théâtre et pas assez de cinéma : Anne Alvaro).
Parlez-moi de la pluie m’a infiniment déçu : c’est artificiel, puéril, mâchonné, avec des personnages qui n’ont pas d’épaisseur, de structure, de vie, avec qui on n’est jamais en empathie, qui paraissent s’agiter sur l’écran sans s’intéresser eux-mêmes à l’histoire qu’ils jouent.
Une idée de départ amusante : un couple de branquignols improbable, un journaliste flemmard et oublié, Michel Ronsard (Bacri) et son copain et disciple (!!??) Karim (Jamel Debbouze) vont réaliser un documentaire sur une candidate féministe à de prochaines élections Agathe Villanova (Jaoui), parachutée dans la région (Nord des Bouches-du-Rhône ou sud du Vaucluse) dont elle est originaire, mais qui n’a plus qu’avec sa sœur et son beau-frère, qui habitent dans la grande maison de famille, que des rapports tendus et épisodiques.
Puis entrelacs de situations tordues, le documentariste et la sœur entretenant une liaison, la vieille mère algérienne du disciple étant la bonne fidèle, résignée et fataliste de la famille depuis des décennies, le disciple vivant des histoires sentimentales compliquées. En soi cette complication pourrait être amusante, subtile, vivifiante ; mais c’est pataud, poussif, diaphane. Ça commence plutôt bien, par des tas de petites observations justes, bien croquées (le gamin qui s’étrangle avec un noyau de fruit, et l’émoi tout autour), ça ralentit au fur et à mesure qu’on avance ; et le Bacri qu’on aime, râleur, pénible, atrabilaire, s’englue dans la neurasthénie générale d’un été pourri, à peine éclairée par d’assez artificielles trouvailles et retrouvailles des dernières images.
Un bon, très bon point, néanmoins, aux musiques choisies, qu’elles soient de Schubert, de Haendel ou de la Banda municipale de Santiago de Cuba ; c’est toujours un des points forts des films d’Agnès Jaoui, qui y accorde, certainement, une importance particulière, ce qui est bien agréable.