Le Diable – ou plutôt, certainement un diable, un ange déchu compagnon de Lucifer – arrive un soir d’orage dans une bourgade étriquée du Rhode Island, au Nord-Est des États-Unis. Une de ces bourgades aux vastes pelouses bien taillées où l’ennui semble aussi profond que l’herbe est verte.
Trois amies, Alexandra, Jane et Sukie (Cher, Susan Sarandon et Michelle Pfeiffer) la première, veuve, les autres divorcées s’y alcoolisent consciencieusement tous les jeudis soir en ressassant leur frustration sexuelle et en appelant la venue d’un étranger séduisant et lascif.
Elles ne vont pas être déçues : le diable, Daryl van Horne, c’est Jack Nicholson. Il va les faire toutes trois entrer dans son jeu, les capter, les dompter, constituer avec elles un étrange phalanstère érotique. Jusqu’au moment où, découvrant qu’elles sont toutes trois enceintes, elles se rebellent et capturent leur tentateur.
C’est assez drôle, malgré quelques facilités niaises (la partie de tennis et ses effets de magie un peu longuets) et le scandale déclenché dans la paisible Eastwick par l’immoralité assumée de celles que l’on n’avait jusqu’alors connu que comme de parfaites et dignes membres de la communauté ne manque pas de sel.
Deux ou trois choses à mentionner. D’abord la qualité des effets spéciaux, souvent pertinents et bien venus et des décors : le château où les ébats se déroulent a, lorsque Nicholson y arrive dans la nuit, un petit air du Xanadu de Citizen Kane, mais ses pièces immenses font aussi songer à l’hôtel Overlook de Shining ; ce ne sont pas là de mauvaises références.
Si Robert De Niro, dans Angel Heart demeure pour moi la plus glaçante incarnation physique de Satan, Jack Nicholson et son visage d’une extraordinaire mobilité, son regard qu’il peut rendre à volonté glauque ou obscène, une certaine façon d’occuper l’écran de façon presque surnaturelle en font un démon sarcastique, meilleur toutefois dans la séduction mielleuse du début que dans la fureur blessée de la fin. Et les trois actrices, brune comme Cher, rousse comme Sarandon, blonde comme Pfeiffer sont piquantes, séduisantes, soumises ou révoltées… Excellente distribution, vraiment.
Et on s’amusera aussi de retrouver les citations parsemées ici et là par George Miller : j’ai cité Citizen Kane et Shining, mais on peut trouver de nombreux traits qui viennent de L’exorciste, et quelques autres de Rosemary’s baby ou de La malédiction ; mais que ceux qui n’apprécient pas les films d’épouvante se rassurent : Les sorcières d’Eastwick est plus goguenard qu’angoissant…