Alerté par des critiques positives et par l’opinion de quelques uns à qui je me fie, je suis allé voir the Raid avec une certaine curiosité. Le temps estival se prêtait au repos de la salle climatisée et l’étrangeté bizarroïde du concours de populations qui s’entrecroisent au Forum des Halles m’incitaient à la bienveillance.
Pour qui n’a vu que par bribes, lors d’un zapping télévisuel, les films de l’initiateur du genre boum-boum, le depuis longtemps disparu Bruce Lee et qui n’a pas avec l’Asie une grande empathie, la gageure n’était pas mince : scénario sans surprise, dialogues minimalistes (plus de Rrrrrrr ! et de Han ! que de subtils échanges), des acteurs non seulement inconnus mais peu identifiables, la certitude que les bons gagneront et les méchants perdront (je sais, je sais… c’est un peu plus ambigu que ça).
Et pourtant j’ai trouvé ça assez étonnant, grâce à l’inventivité des situations et à quelques sauvageries bien venues, qui motivent l’interdiction aux moins de 16 ans.
Le pitch est assez simple : un groupe d’une vingtaine de policiers investit un immeuble pourri de Djakarta pour mettre fin aux agissements d’un cruel baron de la criminalité, assisté de deux adjoints qui se détestent et d’une kyrielle d’hommes de main, guetteurs, chimistes, tueurs, combattants à lui tout dévoués. En fait, l’affaire a été mal montée par un chef médiocre et ambitieux. Le commando est vite repéré et décimé. Survivent, après un invraisemblable tumulte d’armes automatiques et de corps déchiquetés, cinq policiers, dont certains en mauvais état et séparés en deux fractions qui vont tenter de se rejoindre et d’aller jusqu’au bout de la mission (je résume, mais on perçoit l’esprit). Après d’autres trépas, l’Ordre triomphera.
Tout ceci est assez classique. Comme est classique, depuis toujours, au détriment de toute vraisemblance, la robustesse infinie des combattants, à peu près invulnérables, qui se relèvent sans grande difficulté après avoir été balancés la tête la première contre un mur, après avoir été piétinés consciencieusement, après avoir reçu des coups dont un éléphant ne se relèverait pas. Autre constante, que j’ai toujours remarquée avec une sympathie ironique : hors rares exceptions, les héros, quand ils doivent affronter une foule d’adversaires, ne sont attaqués qu’au fur et à mesure, si je puis dire. Les ennemis ne surgissent en effet que les uns après les autres, au lieu de se concerter pour attaquer ensemble l’Invincible, paraissant ne pas connaître le grand principe guerrier du maréchal de Turenne : Dieu est toujours pour les gros bataillons. Il est certain que depuis que le cinéma existe, que la lutte se fasse à poings nus, à coup de massue, à l’épée ou à la sulfateuse, le principe est le même, ce qui permet à l’histoire de continuer.
The Raid ne fait pas exception, mais sa vivacité est telle qu’on est à peine gêné. et les combats de kung-fu (ou de je ne sais quelle discipline dite martiale de l’Orient compliqué) sont très habilement chorégraphiés. Je suppose qu’il y a des scénaristes et des spécialistes très pointus qui vous règlent cette sorte de danse violente dans le moindre détail ; ceux du film de Gareth Evans sont particulièrement inventifs et n’hésitent pas à faire dans l’hyper-violent : quelques images-choc de nuques brisées et de colonnes vertébrales fracturées font passer dans l’assistance l’onde d’émotion recherchée.
Je ne peux pas dire que j’irais voir souvent ce genre de spectacles, mais c’est une amusette bienvenue à trois jours de l’ouverture des Jeux Olympiques, qui vont me contraindre à me faire rare sur le site, non pas que je puisse participer à la quête de l’Or, mais parce que, de neuf heures du matin à minuit, pendant deux bonnes semaines, je vais passer tout mon temps devant les exploits sportifs !