Le charme fou de la Hammer
Malgré des moyens qui paraissent bien sommaires, à l’aune de ceux d’aujourd’hui, ce film de série de l’inégalée Hammer est une des très bonnes réussites de Terence Fisher, qui fait montre, une fois encore, de sa très grande maîtrise de l’inquiétude et de l’angoisse, grâce, notamment, à un sens des couleurs et de la lumière (de la pénombre, plus exactement) qui instaure un climat permanent de malaise.
Le début du film, qui narre les origines de la malédiction qui frappe les Baskerville, est tout à fait exemplaire ; il rappelle un peu, du fait des tons terreux de l’auberge, parsemés des tenues rouges éclatantes des aristocrates débauchés qui y festoient, l’atmosphère des magnifiques Contrebandiers de Moonfleet de Fritz Lang ; et la poursuite, sur la lande inhospitalière de la pure jeune fille qui s’est enfuie pour échapper aux entreprises de Sir Hugo (David Oxley) est une parfaite réussite, d’autant qu’elle s’achève, comme de juste, dans les ruines pittoresques et bien venues d’une antique abbaye…
La sauvagerie des rapports de classe – alors que nous sommes déjà en 1740 – est tout de même très typique du monde anglo-saxon et me paraît s’être perpétuée jusqu’à une date récente, de façon plus violente qu’en France, me semble-t-il ; ne serait-ce pas dû, Outre-Manche, à l’inexistence d’un pouvoir royal vraiment fort, laissant donc aux aristocraties foncières, immensément riches, une bien plus grande latitude que dans notre pays où, du moins depuis Richelieu, on a toujours su couper la tête aux féodaux ?
Dans des paysages naturellement noyés de brumes, où de traîtres bourbiers tendent des embuscades, Sherlock Holmes (remarquable Peter Cushing, bien meilleure incarnation que le mièvre Robert Stephens, dans la version narquoise de Billy Wilder), Holmes, donc, emploie toute sa clairvoyance et sa logique pour faire échapper à une terrible vengeance Charles Baskerville, dernier descendant de sa lignée. Mais là, je dois dire que le contre-emploi alloué à Christopher Lee ne m’a pas entièrement convaincu, pour de fort mauvaises raisons, si l’on veut, mais des raisons quand même : lorsqu’on reprend lumières, éclairages, musique, atmosphère des films qui identifient Christopher Lee au comte Dracula, on ne parvient guère à faire l’effort d’empathie nécessaire pour Charles Baskerville !
Mais ceci est mineur et en rien dirimant. Le chien des Baskerville est un des exercices obligés de la découverte de la Hammer, cette société de production qui a mis en scène tant et tant de nos angoisses…