La vierge de Nuremberg

Velouté en rouge sang.

Le scénario de ce bon petit film de série Z est tellement invraisemblable qu’il vaut mieux ne pas s’attacher à l’intrigue, ce qui permet de profiter sans arrière-pensée des atmosphères lourdes et colorées et de se féliciter de certaines trouvailles horrifiques de bonne venue.

Scénario invraisemblable ? Qu’il suffise de savoir que le grand méchant tortureur est un ancien général de la Wehrmacht impliqué dans le complot de von Stauffenberg contre Hitler en juillet 44 et qui, en punition, a été livré aux monstrueux et habiles bistouris d’une équipe de chirurgiens fous à la Mengelé. Ils l’ont transformé en une sorte de monstre squelettique, ce qui lui a naturellement détraqué le ciboulot. Voilà ce qui explique sa rancœur contre l’Humanité et, particulièrement contre les jeunes femmes girondes à la cuisse légère (à dire vrai, je ne trouve pas que l’explication soit extrêmement convaincante).

12861_4Cela étant, La vierge de Nuremberg est loin de n’avoir que des défauts, malgré le jeu assez inexpressif de tous les acteurs, de Rossana Podestà, jeune épouse affolée qui court dans tous les sens, à son mari, le mièvre Georges Rivière, en passant par Christopher Lee, serviteur dévoué, affligé de cicatrices abominables, aussi hiératique et coincé que dans ses pires interprétations (La malédiction des pharaons, par exemple). Mais l’ambiance est de qualité et répond aux critères essentiels du genre horrifique : orage, château aux salles immenses, gémissements venus d’on ne sait où, couloirs inquiétants, passages secrets, souterrains gluants agrémentés de toiles d’araignées spectaculaires, tombeaux monumentaux…

vierge-de-nuremberg-63-09-gL’habitude de ce genre de films est de faire parcourir tout ce caravansérail par une héroïne éplorée simplement vêtue d’une chemise de nuit vaporeuse et échancrée ; La vierge de Nuremberg ne déroge pas à cette pratique constante, en abuse même un peu. Cela étant, Rossana Podestà est aussi décorative que les pièces du grand château à la magnifique salle de tortures, conservée à l’époque moderne par révérence à un ancêtre fou, en guise de musée. J’apprends dans Wikipédia que le sarcophage de fer garni de pointes acérées dans quoi on enferme de misérables créatures et qui donne son nom au film est une invention fantasmatique et qu’elle a beaucoup plus sévi au cinéma que dans la réalité historique ; je m’en réjouis tout en notant la grande esthétique de l’idée, utilisée par exemple, par Freddie Francis, dans Le jardin des tortures et par Tim Burton dans Sleepy hollow ; et bien sûr dans Le masque du démon dont la séquence initiale est particulièrement édifiante.

movie_callout_image Ajoutons, pour faire bonne mesure, une boîte contenant un rat affamé, destinée à être adaptée artistement sur un appétissant visage, une crypte que l’on engloutit sous les eaux grâce à un ingénieux système de submersion, quelques autres gracieusetés de ce genre et on obtient, in fine, un assez bon produit d’exploitation courante qui satisfait pleinement l’honnête amateur d’horreurs épouvantables à des rangs à peu près identiques au Corps et le fouet de Mario Bava et des Vampires de Riccardo Freda.

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