Je ne suis pas certain que, s’il avait lui-même tourné l’adaptation de ses Souvenirs d’enfance, Marcel Pagnol aurait trouvé un ton aussi juste que celui d’Yves Robert. On peut toujours rêver et la chose n’était pas impossible, la publication des trois volumes s’étageant de 1957 à 1960 et le père de Marius n’étant mort qu’en 1974. Peut-être la très grande proximité de l’auteur avec ses récits ne lui aurait-elle pas permis de jeter un regard aussi tendre et délicat sur ces moments dorés…
Combien de fois ai-je regardé La gloire de mon père et Le château de ma mère depuis que Robert les a réalisés, en 1990 ? Je ne les compte plus… Je les possède en DVD, évidemment, mais lorsque, comme hier, je tombe au hasard d’une programmation télévisée sur un des deux films, je me laisse encore prendre. Encore et toujours.
Tant c’est bien, tant c’est tendre, tant c’est chaleureux, émouvant sans être mièvre, grave sans être pesant, coloré sans être pittoresque, tant il y a une harmonie réussie entre les couleurs des collines et la fraîcheur de l’enfance…
On ne peut évidemment pas dissocier les deux volets réalisés, simplement séparés pour d’évidentes raisons de durée, mais qui sont dans une parfaite continuité narrative ; l’adaptation des livres est fluide et intelligente, Yves Robert ayant pris l’heureuse liberté d’incorporer dans le second film des éléments qui figurent en fait dans le troisième volume des Souvenirs, qui s’appelle Le temps des secrets et qui relatent les mésaventures du jeune Marcel (Julien Ciamaca) avec la mijaurée Isabelle Cassignol (Julie Timmerman).
Cela étant, le second épisode distille un petit parfum flou d’inquiétude et de tristesse qui, tout doucement, conduit à une conclusion qui tombe assez sèchement, la mort d’Augustine (Nathalie Roussel), la mère fragile de Marcel, au cœur malade et à l’émotivité si forte, Augustine qui sera si fort secouée par l’humiliation de son mari Joseph (Philippe Caubère) par le garde mal embouché du troisième château (si bien interprété par un Jean Carmet méchant). C’est sans doute que le temps a un peu passé, que la pureté de l’enfance commence à un peu s’estomper et que, finalement, Le temps des amours (titre du quatrième volume de la tétralogie, malheureusement inachevé) va venir mettre sa touche aigre dans le paysage doré de l’innocence.
On réévaluera sûrement un jour la qualité de réalisateur d’Yves Robert, dont on ne parle pas beaucoup dans les revues savantes, mais qui a pourtant laissé quelques films qui font date et demeureront dans l’imaginaire des amoureux de cinéma. Les copains, Alexandre le bienheureux, Le grand blond avec une chaussure noire, Un éléphant ça trompe énormément, Nous irons tous au paradis, voilà des titres que nous aimons tous, je pense…
En tout cas Le château de ma mère est un bijou. Un bijou de famille, dont le prix brille tout autant dans les yeux des enfants que dans ceux des parents. Familles, je vous aime…