Chabrol se fout de nous
Je ne peux pas concevoir que Chabrol, qui avait fait une entrée si tonitruante et remarquable dans le cinéma avec Le beau Serge, Les cousins, voire Les bonnes femmes, je ne peux pas concevoir qu’il ait tourné ce fourre-tout superficiel et ennuyeux autrement que pour profiter de la vague du succès ou, plus probablement encore, pour réunir une bande de copains et leur faire jouer n’importe quoi.
Eric Ollivier, le romancier dont est tiré ce récit des Godelureaux est un écrivain mineur et plaisant, désinvolte et léger, un peu de l’école des Hussards, mais avec un talent qui ne peut se comparer à celui de Roger Nimier ou de Jacques Laurent ; mais enfin, c’est un peu de la même veine, ça se laisse agréablement lire pour qui aime des histoires d’intermittences du cœur et de stratégies de conquêtes sentimentales. Il y avait de la matière en tout cas pour réaliser un film plaisant, rieur, sans grande importance, mais précisément, aussi, assez léger pour faire passer un bon moment.
Mais au cinéma, il faut tout de même un peu de structure, et ce qui passe, par la grâce d’une jolie phrase et d’une rêverie suggérée en littérature, ne pardonne pas lorsque les acteurs sont mal dirigés (en fait non dirigés du tout), lorsque le découpage est fait à la va-vite, lorsque le réalisateur se préoccupe uniquement de boucler son tournage selon le financement que lui alloue le producteur.
Ce qui aurait dû, donc, être léger et vaporeux devient alors insignifiant et inutile, et l’on s’ennuie sérieusement, en guettant la fin là où l’on aurait pu prendre un plaisir de bonne compagnie.
Les godelureaux n’ajouteront rien à la renommée du cher Jean-Claude Brialy et Bernadette Lafont y trouvera le moyen d’y être crispante sans agrément, ce qui, pour elle, et de mon point de vue d’admirateur, est une performance. Une mention spéciale dans l’irritation que je ressens pour Sacha Briquet, dont la face lunaire et exaspérante est quelquefois bien utilisée, en ce début des années Soixante, mais qui, là, sombre dans le grotesque.
Heureusement le DVD m’a coûté deux balles ; j’aurais regretté d’en dépenser plus…