La party

Si l’on n’aime ni Chaplin, ni Tati, ni Etaix…

Finalement, j’ai été agréablement surpris à la revoyure… De temps en temps, de manière complètement absurde, je m’inflige la vision ou la re-vision de films dont la provenance, l’auteur ou l’esprit, je le sais, ne vont pas me plaire ou ne m’ont déjà pas plu. Cet étrange masochisme, neuf fois sur dix, confirme mon point de vue ; j’avais déjà regardé au moins deux fois La party et je m’attendais à fort peu. Malgré de fortes réserves, je me suis presque ravisé.

Mais presque ravisé seulement. Il faut dire que je l’ai cherché. J’ai une sainte horreur pour ce style de cinéma héritier des pitres du Muet, Harold Lloyd ou Buster Keaton, porté ensuite en France par Jacques Tati puis Pierre Etaix. Les poursuites folles, chutes abracadabrantesques, échanges de gifles, batailles de tartes à la crème accompagnées de mimiques outrées et de clins d’œil connivents et de racolages indécents du spectateur déclenchent en moi un ennui vite suivi d’exaspération. Et malheureusement le film de Blake Edwards est farci de ces plaisanteries de garçon de bain absolument insupportables et abusent de situations bas de gamme. Comme celles, par exemple, qui font intervenir de façon récurrente le sommelier alcoolique, de plus en plus ivre au fur et à mesure que l’action avance ou de facilités infâmes dignes des pires pantalonnades des Charlots, comme cette statuette du Manneken pis bruxellois dont le jet, manipulé par mégarde, inonde les invités, ou du coquelet qu’un coup de fourchette mal avisé fait s’envoler et s’embrocher sur le diadème d’une convive.

26513329_hollywood-party-di-blake-edwards-la-materia-del-comico-apolide-0Il y a des gens qui se tordent de rire devant ça, devant l’ivrogne qui sert la salade à pleines mains, devant la fléchette en caoutchouc qui se colle sur le front du cow-boy de pacotille Wyoming Bill Kelso (Denny Miller). Grand bien leur fasse ; ils trouveront leur compte dans La party.

Dieu merci tout n’est pas de cet acabit et je serai même bienveillant devant un des gags les plus scabreux qui se puissent, ici miraculeusement assez amusant : le déglinguage de la cuvette des toilettes et le déroulement interminable du rouleau de papier consécutif ; les aventures du mocassin blanc de Hrundi V. Bakshi (Peter Sellers) sont également réussies…

Certains des dialogues sont drôles, comme celui de l’invité porte-poisse et du faux cow-boy devant le grand billard, la musique d’Henry Mancini se laisse agréablement écouter, Claudine Longet a un joli filet de voix et la soubrette noire (Frances Davis) un jeu de jambes parmi les plus sexy que j’aie jamais vus. Et puis les étranges esthétiques de la fin des années 60, qu’elles soient vestimentaires ou mobilières me plongent toujours dans un émerveillement narquois. Enfin, comment ne pas entrevoir dans La party une sorte de parodie des errances et des solitudes cérébralisées de La nuit ou de Marienbad, d’Antonioni ou de Resnais ?

Malheureusement Blake Edwards ne sait pas trop comment faire pour que ce gentil tohu-bohu puisse aller jusqu’aux 90 minutes quasi obligées et la fin316340Theparty du film est un bordel psychédélique envahi par les bains forcés, la mousse, l’éléphant sacré et le n’importe quoi. C’est foutraque et languissant.

Curieux réalisateur que Blake Edwards soit dit en passant, capable de filmer avec beaucoup de délicatesse Audrey Hepburn (dans Diamants sur canapé ou, avec esprit, sa femme, Julie Andrews (dans Victor Victoria) mais ne résistant pas non plus à la facilité de tourner huit (8 !) Panthère rose sans trop regarder à la qualité… Et curieux acteur aussi que Peter Sellers, précisément Inspecteur Clouseau de la Panthère sans trop de finesse et pourtant si grand interprète du grand Kubrick dans Lolita et dans Dr. Folamour : un talent qui avait besoin d’être étroitement tenu (je risque la comparaison avec notre Fernandel).

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