Un des rôles dramatiques de Fernandel
Deux remarques à caractère para-historique tout d’abord
- la qualité de l’édition René Château : tout est relatif, avec ce sagouin, bien sûr, mais enfin, pour ce film, sorti il y a trois ou quatre ans, l’image était de qualité, hors quelques scories, il y avait un chapitrage et même des suppléments (filmographies et petit retour sur le tournage).
- plus sérieusement, on sent qu’on est en pleine époque de l‘engagement (le film date de 1950) et l’idéologie ne fait pas dans la dentelle ! C’est assez curieux, de la part de Fernandel – dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’était pas progressiste, mais aussi de Richard Pottier, qui avait tourné, l’année d’avant l’agréable Barry et allait tourner, l’année suivante, Caroline chérie, aux accents plutôt réactionnaires !
Lorsque j’écris que le ton du film ne fait pas dans la dentelle, c’est d’ailleurs même une litote ! La coalition de salauds dressée contre le pauvre Noël Annequin (Fernandel, donc) par ses frères l’avocat Hervé (Jacques Varennes) et le médecin Blaise (Raymond Souplex) et qui mêle indistinctement toute la bourgeoisie d’Aix-en-Provence, magistrats et aliénistes réunis est tout de même d’un rare manichéisme ! Et, en plus d’être dévorés d’ambitions mesquines (le bâtonnat, une chaire à la faculté), les frères de Noël sont particulièrement crapoteux, l’avocat, homme à bonnes fortunes, marié à une idiote intégrale, Lola (Colette Mareuil), le médecin à une richissime nymphomane (Mireille Perrey) ; de surcroît, le fils de l’avocat et de l’idiote, José ( Philippe Nicaud) est un parfait gandin post-zazou ; il n’ y a donc que la fille du médecin et de la nymphomane, Martine (Jeanne Moreau) qui fait passer un peu d’eau fraîche sur cette lave de veulerie.
Cela étant, c’est un bon film classique, pimenté de dialogues souvent très réussis d’Henri Jeanson, quelquefois un peu trop théâtraux et, de ce point de vue, rendus encore plus emphatiques par le jeu de Fernandel, dont le sens de la mesure n’a jamais été l’atout majeur ; ainsi, lors de la scène d’aveu de l’euthanasie de sa femme, lorsque Noël désire se livrer à la Justice : Je veux bien qu’on me condamne, mais je ne permets pas qu’on me juge !.
Il ne faut surtout pas regarder Meurtres comme une préfiguration des affaires récentes d’euthanasie, en premier lieu du psychodrame Vincent Humbert ; déjà, en 1950, on sait bien que n’importe quelle Cour d’Assises acquittera, ou condamnera symboliquement celui qui a envoyé ad patres un malade condamné, pour lui éviter de souffrir davantage ; la partie qui traite cet aspect-là est d’ailleurs maladroite et ennuyeuse (mais intéressante par la présence de Line Noro, qui interprète Isabelle, la malheureuse condamnée, qui fut Inès, la belle Algéroise que Pépé le Moko délaisse pour Gaby). Donc, l’euthanasie est prétexte ; ce qui importe, c’est la crainte bourgeoise du scandale, quel qu’il soit… C’est excessif, outré, même, mais bien fait…en tout cas si on se laisse entraîner…