Ah, c’est bien, féroce, subtil, intelligent, cruel, et ce serait même très bien, ça mériterait mon 6 si la seconde partie était de la même eau que la première, si l’ingéniosité du scénario, la méchanceté sans répit des situations, la sauvagerie des rapports humains pouvaient se poursuivre à un rythme identique à celui de la première partie, rythme époustouflant, pétillant, sans faille !
Un soupçon trop long, donc (on a l’impression que le réalisateur, les auteurs, souhaitant tourner en deux chapitres – 1) la prison 2)) les évadés – se sont piégés eux-mêmes et ont dû un peu tirer à la ligne pour parvenir à des durées analogues), un soupçon trop long mais d’une drôlerie décapante, désespérante, dans des aperçus narquois et iconoclastes sur la malfaisance intrinsèque de l’individu, dans un regard sans tendresse pour ce ramassis de cinglés, d’imbéciles et de salauds qui, par la magie, le ton de la comédie italienne ne nous sont pas, en fin de compte, tellement étrangers…
Grand rire sans dégoût, mais sans espérance sur la nature humaine (un peu comme dans L’auberge rouge d’Autant-Lara), formidable mise en valeur de l’égoïsme de quelques canailles, de leur brutalité, de leur indifférence à la souffrance (le pinson aux yeux crevés), de leur barbarie fondamentale, mais aussi de leur ingéniosité, de leur détermination, de leur subtilité manigancière…
La saleté et la dureté de la prison, ses caïds, ses trafics, sa population sordide, l’évasion, pleine de péripéties farfelues, invraisemblables, mais géniales et profondément jubilatoires (la photographie de la cellule paisible disposée devant l’œilleton qui abuse le gardien et lui fait croire que tous les quatre détenus roupillent alors qu’ils sont en train de scier les barreaux de la fenêtre), tout cela est formidablement mis en scène, formidablement enlevé, diaboliquement habile…
Si je trouve Nino Manfredi un rien trop grimacier et excessif, les autres acteurs majeurs sont impeccables : Gian Maria Volontè, maladif obsessionnel, monomane de la vertu de sa fiancée, Mario Adorf, brute traquée et fraternelle, Raymond Bussières, inquiétant d’inventivité, sale type dont Comencini aurait sans doute pu accentuer encore le côté malsain (j’ai toujours regretté que ce physique hors norme ait été le plus souvent utilisé pour jouer le prolo au grand cœur, alors qu’il pouvait être parfait dans l’ambiguïté perverse : le voir dans le rôle du forçat La Ficelle dans le Chéri-Bibi de Marcello Pagliero).
À signaler un générique exemplaire des années Soixante, animé, tout de lignes géométriques horizontales et verticales, de découpes de l’image, très typiquement moderniste, accompagné d’une musique jazzée agréable : on sent qu’on sort d’une époque un peu figée, traditionnelle, respectueuse de codes plus anciens, qu’on estime périmée : tout va de pair et les clivages entre tragédie et comédie sont de moins en moins absolus : c’est toute la grâce et le talent de la comédie italienne, hilarante et désespérante à la fois…