Ali Baba et les 40 voleurs

Farce alimentaire.

Ali Baba apparaît comme une sorte d’incartade dans la brève et éclatante filmographie de Jacques Becker. En douze ou treize films dont au moins deux chefs-d’œuvre, (Casque d’or et Touchez pas au grisbi) et une palanquée de films formidables (Goupi mains rouges, Falbalas, Rendez-vous de juillet, Le trou), voilà que Becker, grand réalisateur, fin psychologue du couple, observateur minutieux du milieu social tourne une farce qu’on pourrait qualifier de purement alimentaire mais qui a dû être un peu plus ambitieuse que ça.

Parce qu’embaucher à l’adaptation d’un des contes les plus connus des 1001 nuits Roger Nimier et Antoine Blondin, mobiliser Annette Wademant, engager Marguerite Renoir au montage, charger Georges Wakhévitch des décors et Paul Misraki de la musique n’est tout de même pas jouer au cynique qui se fiche du résultat.

Et puis, évidemment, Fernandel qui, en 1954, est, après les deux premiers Don Camillo au sommet de sa notoriété. Ali Baba sera d’ailleurs un très grand succès public, réunissant, paraît-il, plus de 4 millions de spectateurs. Et pourtant il me semble que c’est sur Fernandel que le bât blesse, qui est rigolard, grimacier, outrancier comme dans ses rôles les plus banals, comme toujours quand il n’est pas bien tenu dans un rôle, dans un personnage ou par un metteur en scène qui ne lui passe que le nécessaire.

Fernandel mis à part, ou canalisé, si l’on veut, il y a plein de bonnes choses dans Ali Baba, ne serait-ce que certaines férocités qui ne passeraient désormais plus dans notre époque constipée du politiquement correct : la veulerie du père (Edouard Delmont) de la belle Morgiane (Samia Gamal, star de la danse égyptienne de l’époque), qui vend sa fille sur un marché d’esclaves, la nocivité de Kassim (Henri Vilbert), maître d’Ali, violent, pervers, cruel, la sanglante bataille pendant le festin des noces, où l’on s’étripe à qui mieux-mieux…

Il y a – ce qui est rassérénant pour mon antique génération – tout un parfum suranné de préjugés sur l’Orient : fatalisme du mektoub, chaleur qui incite à la sieste, palais céramiques pleins de fontaines et de moucharabiehs, odalisques lascives, luths et théorbes, goût des femmes capiteuses, harem troublant, lentes caravanes, rezzous brutaux et tout le toutim.

Il y a aussi les envoûtantes Mille et une nuits, récits plus mythiques aujourd’hui que naguère où chacun s’émerveillait d’Ali Baba, donc, mais aussi de Sinbad le marin ou d’Aladin et sa lampe merveilleuse. On n’y voyait pas, comme aujourd’hui, de graveleuses allusions sexuelles, mais des contes merveilleux. Il est vrai que c’était au temps où l’Islam était sage…


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