De l’œuvre magistrale de Fabien Onteniente, un des réalisateurs les plus bankables du cinéma français (à un point tel que, même lorsque un de ses coûteux films fait un bide magistral, il trouve la fois suivante encore des producteurs pour en financer d’autres), de l’œuvre d’Onteniente donc, je n’avais vu jusqu’à présent que deux opus, Camping et Camping 2. J’avais collé au premier la note royale de 1, au second, l’infamie du 0. De bons esprits ont écrit ici et là que Camping 3 était sans contestation le pire de la série, ce qui laisse à penser, mais je ne suis pas allé vérifier sur pièces.
Mais, comme le disait le général de Gaulle, on prend vite l’habitude du recul et de l’humiliation, à ce point qu’elle nous devient une seconde nature ; et il ajoutait que nous boirions le calice jusqu’à la lie. Pensant vraisemblablement que les effluves des pins maritimes du Pyla-sur-Mer, où il avait situé ses Camping, commençaient à être un peu éventés, il a transposé son histoire dans des contrées plus exotiques, dans une sorte d’hôtel-club de la Guadeloupe. Pourquoi pas ? Je ne sais plus qui a dit que, où que l’on voyage, on ne retrouve toujours que soi-même.
Si les notes effroyables données aux aventures des Chirac (Franck Dubosc), Pic (Claude Brasseur et Mylène Demongeot) et Gatineau (Antoine Duléry et Mathilde Seigner) pouvaient constituer, par un tour de passe-passe, une sorte d’échelle de valeur seulement relative au cinéma d’Onteniente comme constituant l’une – le 1 – un 10 et l’autre – le 0 – un 9, à quel triste niveau pourrais-je placer All inclusive ? Eh bien, très en dessous ! Je n’ose pas d’emblée employer à nouveau le 0 (c’est-à-dire en fait le – 10) parce que je me dis que dans le temps qui me reste à vivre, il n’est pas impossible que je revoie un nouveau film d’Onteniente et qu’il faut toujours laisser sa chance au pire. Mais je vais mettre 1.
J’ai vu ça dimanche dernier 20 juin 2021 ; il faut dire et répéter que les soirées dominicales de TF1 ne cessent d’éblouir par leur vulgarité déterminée et consensuelle. Et ajouter que le film s’installait juste après l’annonce du triste score de participation aux élections régionales et départementales. À dire vrai, comment s’étonner, comment se demander pourquoi seulement un tiers des Français a voté lorsqu’on les nourrit, les gave, les gorge, les empiffre, les engraisse, les décérèbre avec des horreurs pareilles.
Allez, va, je sais que je me mets en rogne pour peu de choses. Les exercices pratiques de sidération devant la nullité ne sont sans doute pas inutiles pour un cerveau aussi vieillissant que le mien. Et il est tout à fait exact que All inclusive est d’un niveau bien pire encore que les Camping ; dans le plein air de la côte aquitaine, il y avait au moins, par ci par là, une esquisse d’ébauche de touche sociologique, une bribe d’attention donnée à de braves gens ordinaires, quelques miettes de situations un peu gentiment ironiques. Il y avait l’accablant Patrick Chirac (Franck Dubosc) qui vampirisait beaucoup de séquences et il était bien difficile de l’effacer, mais on essayait.
Le glaçant de All inclusive est que Dubosc, spirituellement nommé ici Jean-Paul Cisse (mais où vont-ils chercher tout ça ?) est à peu près seul sur l’écran. Bronzé au point de ressembler à un crustacé imparfaitement cuit, il n’a personne en face de lui, son faire-valoir Bruno (bien pâle François-Xavier Demaison) ne tenant pas la route ; et à côté d’eux, personne, pas même (surtout pas !) deux survivants des merveilleux Bronzés, Josiane Balasko en veuve nymphomane, Thierry Lhermitte en directeur de club homo dissimulé et faux-cul.
On atteint des sommets de trivialité minable, le pinacle étant constitué par une longue scène de pet dans la piscine du club. Jusqu’où le cinéma français de divertissement descendra-t-il ?