Mon Dieu, c’est de Vincente Minnelli ce petit film insignifiant pour fermiers de l’Arkansas ou du Wyoming en goguette ? Est-on certain qu’il n’y a pas homonymie, usurpation d’identité, abus de confiance ? C’est le même homme qui a réalisé Le chant du Missouri, Un Américain à Paris, Brigadoon, Gigi, comédies sophistiquées charmantes et brillantes, un peu trop parfaites, à dire vrai pour être totalement réussies, mais pleines d’esprit et de qualités ?
Vraiment ? On croit rêver…
Les films que j’ai cités sont tous des musicals et c’est sans doute là que réside la réponse à ma question : l’éclat des couleurs, la tenue des séquences dansées, l’agrément des mélodies font souvent passer la niaiserie des intrigues et la stupidité des situations ; et le musical est un genre qui me semble l’apanage du cinéma étasunien, à quelques exceptions près (Les demoiselles de Rochefort me viennent évidemment à l’esprit ; mais ce genre existe-t-il en Italie, par exemple ?). Mais la comédie sans ces artifices ne me semble pas bien aller Outre-Atlantique et je cherche vainement quelque chose qui ressemble à l’esprit français d’un Guitry ou à la férocité italienne d’un Monicelli ou d’un Risi… ou à l’humour anglais de Noblesse oblige jusqu’à Un poisson nommé Wanda.
Mais aux États-Unis, je cherche en vain quelque chose qui m’ait plu… L’impossible Monsieur Bébé, d’Howard Hawks ne vaut que par les vingt premières minutes. Arsenic et vieilles dentelles, de Frank Capra est une lassante adaptation théâtrale. La lune était bleue, d’Otto Preminger une pénible farce graveleuse, comme l’est l’archi-surévalué Certains l’aiment chaud de Billy Wilder ; le puritanisme et ses arrière-goûts salaces y afférents me semblent d’ailleurs la constance de ce cinéma-là….
Quoi d’autre ? Ah tiens, par exemple, Madame porte la culotte de George Cukor qui est dans le même esprit que ce dérisoire Allons donc, Papa ! de Minnelli sur quoi j’arrive, donc… À noter que, dans les deux films l’acteur principal est Spencer Tracy qui devait représenter, à l’époque, l’image du type solide qui s’est fait lui-même et a atteint à la force du poignet une situation enviable, avec maisonnette et jardinet.
Allons donc, Papa ! est, paraît-il, la suite directe du Père de la mariée dans quoi étaient narrées les épousailles de Kay Banks (Elizabeth Taylor) avec Buckley Dunstan (Don Taylor) sous le regard inquiet des époux Banks, Stanley et Ellie (Spencer Tracy et Joan Bennett). Dans le second film Kay devient maman : attentes fébriles avant l’accouchement, bisbilles entre les belles-familles, disputes des jeunes époux et divers épisodes consacrés au nouveau-né. C’est d’une totale banalité, sans esprit ni émotion : une véritable grisaille…
Et je songeais à deux petits bijoux français qui décrivent en gros des situations analogues : Papa, maman, la bonne et moi et Papa, maman, ma femme et moi de Jean-Paul Le Chanois ; oui, deux bijoux, vraiment, pleins de verve, d’esprit, de ces petits faits simples et vrais qui font la trame des vies quotidiennes. La famille Langlois (Fernand Ledoux, Gaby Morlay, Robert Lamoureux, Nicole Courcel), est tout de même autrement plus chaleureuse et attachante que la famille Banks ! (Je reconnais une seule supériorité au film étasunien : Elizabeth Taylor est nettement plus belle que Nicole Courcel, pourtant charmante…).
J’en connais qui auraient mieux fait de se consacrer aux westerns et aux grands spectacles…