Alphaville

La curiosité et un vilain défaut.

Il faut rendre hommage au contributeur inconnu de la notice d’Alphaville sur notre amie Wikipédia, contributeur qui parvient à discerner un scénario dans ce monument d’inanité et d’ennui qui n’a comme seule qualité que d’être assez bref (1h35). Cela étant dit, l’histoire exposée est d’une telle banalité, elle est si tributaire de l‘air du temps (celui de 1965, bien sûr) que son éclaircissement n’a aucune espèce d’importance ; elle fait penser aux pires romans de science-fiction de Philip K. Dick, ces ennuyeuses dénonciations d’un monde où la science, la rationalité, la technique ont remplacé l’élan vital de l’Humanité.

Mais qu’est-ce que c’est enquiquinant, mon Dieu !! On savait depuis longtemps que le Genevois (ne jamais oublier ça !) richissime Godard ne concevait pas le cinéma comme un médium capable d’enthousiasmer, d’émouvoir, d’émerveiller les spectateurs, mais comme une grave leçon morale, au didactisme pesant, aux arrière-pensées moralistes. Pas à dire, il y a tout cela dans Alphaville où le pauvre Eddie Constantine, symbole de la ringardise absolue du cinéma français du début des années 50 fait mine de s’insérer dans le mouvement intellectuel.

J’ignore si le brave Étasunien héros de La môme vert-de-gris et de Ces dames préfèrent le mambo, monuments rares et quelquefois séduisants d’inanité absolue, a pris conscience du mépris (hihi !) que l’intellectuel Godard déployait à son endroit ; et après tout, ça n’a pas beaucoup d’importance. Le drame, c’est que le réalisateur, alors, au milieu des années 60, adulé par la critique et dont l’aura impressionnait beaucoup de mes camarades du baby-boom a conquis alors un statut remarquable qui, dans quelque jour, lorsqu’il clamsera (il a tout de même 91 ans) lui vaudra des articles énamourés dans la presse bien-pensante et le bouleversement des programmes des chaînes de télévision.

Alors même que Godard, ce n’est rien, et que même À bout de soufflePierrot le fou ou Le mépris, ses films les plus regardables sont pesants d’ennui et de nullités satisfaites. Des tics de réalisation toujours reproduits de film en film, des néons incandescents qui brasillent puis s’éteignent, un son volontairement masqué par le brouhaha de la rue, des citations littéraires (BorgèsBlaise Pascal, La Fontaine) qui surgissent sans rime ni raison), des lumières brutales, des prises de vue distanciées sur les routes et les rues, des gros plans incongrus qui ne sont justifiés par rien du tout, bien d’autres babioles puériles.

Il n’y a jamais chez le réalisateur la moindre distance avec ce qu’il tourne. Après tout, pourquoi ne pas aller chercher le ringardissime Eddie Constantine; héros des salles du samedi soir pour le faire jouer dans un film intello ? Avec un peu d’humour, d’esprit, de sens du narquois, on peut se mettre le spectateur dans la poche, ravi de la connivence ressentie. Mais là c’est Godard, c’est le démiurge lui-même, qui se veut la star, la vedette absolue du film, qui n’a que mépris pour ses acteurs, mais aussi pour son histoire et, en fin de compte, pour ses spectateurs. Spectateurs qui furent d’ailleurs heureusement peu nombreux (à peine plus de 110.000 à Paris) mais dont la béatitude irrigua les médias en adoration.

D’ailleurs pourquoi faut-il que, près de soixante ans après la sortie du film sur les écrans, je puisse en parler ? C’est sans doute que, comme une mauvaise gale, ces stupidités-là demeurent, béantes, inutiles mais obsédantes, dans notre inconscient collectif.

Leave a Reply