Je ne suis pas très mélomane, sans pour autant dire comme Voltaire (paraît-il) que la musique est le plus épouvantable de tous les bruits. Mais je reste assez froid aux raffinements de la composition et je me suis endormi régulièrement lorsque, pour de lourdes raisons sociales, je me suis retrouvé dans un fauteuil de la salle Pleyel ou d’une des salles de l’Opéra de Paris. C’est comme ça ; je n’en suis ni particulièrement fier, ni particulièrement honteux.
Mais le film de Milos Forman va très intelligemment bien au delà de la musique et se penche sur ce qu’est la grâce absolue, imméritée jusqu’à la caricature du don, c’est-à-dire, d’une certaine façon, sur l’impossibilité, pour les humains, de comprendre l’ordre supérieur divin.
Et c’est bien ainsi que Salieri (Fred Murray Abraham) interprète la situation lorsque, révolté, scandalisé, indigné, il jette au feu un crucifix et s’institue ennemi de l’instrument de Dieu, c’est-à-dire de Mozart qui, inexplicablement, bénéficie de tous les talents que lui n’a pas.
Comme Milos Forman a bénéficié, manifestement, de moyens financiers et techniques considérables, le film est agréablement décoratif ; il ne manque ni une bobèche autour des bougies, ni un grain de poudre sur les perruques. Et comme l’époque, la fin du 18ème siècle, est des plus civilisées et des plus décoratives, comme les habits des hommes et les robes des femmes ont acquis un raffinement extrême dont on peut douter qu’il soit jamais atteint, ça donne un spectacle élégant mais tout de même un peu essoufflé et, en tout cas, beaucoup trop long.
Car lorsqu’on a saisi la trame principale du récit – l’horreur ressentie par Salieri devant le scandale du don gratuit – tout le reste brode autour de l’anecdote, avec talent, sans doute, mais trop longuement. J’ignore, bien sûr, si certains points du récit sont authentiques ou imposés pour agrémenter le récit (par exemple le ballet muet des Noces de Figaro, qui me semble peu vraisemblable ou l’air de la Reine de la nuit inspiré à Mozart par les piaillements de sa belle-mère), mais je trouve que Milos Forman n’a pas su choisir (ou, plutôt, a été contraint par les producteurs) entre le sujet de base et la biographie romancée.
Cela dit j’ai regardé cela sans ennui, me disant tout de même à nombre d’intermèdes musicaux que Wolfgang Amadeus avait un certain génie.