Mon Dieu quel bonheur d’avoir un mari bricoleur !
D’abord, le titre que je donne à cet avis ne peut être saisi que par qui a vu le film. Puis j’ai lu beaucoup et beaucoup d’articles dithyrambiques sur Anatomie d’une chute, film couronné par la Palme d’Or de Cannes en 2023. Au fait vous souvenez-vous des Palmes de 1965, 1973, 1992, 2004, 2007, 2017 et même 2022 ? Non, n’est-ce pas ? Reportez vous dans Wikipédia sur ces dates et ces références : vous verrez que vous n’aurez pas plus de souvenirs là-dessus que sur les Prix Goncourt 1962, 1986, 1991, 1996, 2000, 2008, 2017… Voilà qui permet de relativiser la nature de ces récompenses, qui n’ont aucune espèce d’importance trente ans après leur attribution. Rien à voir à ce qui demeure en mémoire.
Elle n’est pas désagréable à voir, cette Anatomie d’une chute, elle se laisse voir et un peu davantage ; on ne s’y ennuie qu’à doses minimes, malgré la longueur de son propos (2h30 : mais pourquoi ? mais pourquoi ?) et on y trouve même quelque intérêt. Cela même si on y voit un discours militant sur la triste condition de la femme écrasée par le masculinisme, structurellement toxique et hideux : hideux en soi, essentialiste. Nous les hommes (ceux d’entre nous qui sont hommes) n’imaginons pas l’horreur que nous faisons vivre à l’autre partie de ce qu’ils appellent genre (et que nous appelions sexe aux temps où les mots avaient un sens).
Le film de Justine Triet entreprend la dissection d’un couple. Vaste programme ! Car si l’on voulait soulever le toit de chaque maison où un homme et une femme (et des enfants aussi bien sûr) sont réunis, on trouverait de drôles de choses, souvent magnifiques – le plus souvent magnifiques – quelquefois sombres ou détestables. Rien n’est simple et Eyes Wide shut, le plus beau film de Stanley Kubrick nous met le nez dessus.
Donc, dans un chalet tranquille qui est à quelques encablures de Grenoble, voilà que Samuel Maleski (Samuel Theis), médiocre professeur et écrivain impuissant est retrouvé, mort et sanglant, au milieu de la neige par son fils Daniel (Milo Machado-Graner), à peine moins qu’aveugle à la suite d’un accident dont Samuel s’était senti coupable. Demeure la figure stable de la mère, Sandra Voyter (Sandra Hüller), écrivain prolifique, peut-être pour cela jalousée, enviée, détestée (?) par son mari. Et qui soutenue, portée, aidée par un avocat, Vincent Renzi (Swann Arlaud ) depuis longtemps amoureux d’elle.
Le film est la lourde, lente, longue description du processus judiciaire qui conduit Sandra et ceux qui l’entourent au procès et à la joute que se livrent l’Avocat général (Antoine Reinartz) et l’avocat de la défense Vincent lors du procès d’Assises à Grenoble. Ce n’est pas mal, parce que c’est une sorte d’entomologie presque glacée d’une instruction judiciaire. Mais est-ce suffisant ? Viser très haut pour obtenir la considération de tout le monde ? Certes ! Y parvenir ? C’est autre chose.
Je suis bien conscient que le couple est aujourd’hui une ‘’valeur ‘’ (comme ils disent) en pleine crise et qu’il peut être fascinant d’en filmer la dissociation. Je note que Justine Triet semble être fascinée par ce malaise de la société ; l’amusante Bataille de Solférino, l’un peu malfichu Victoria mettaient en premier plan des jeunes femmes en dérive existentielle. Pourquoi pas ? On a peut-être raison de filmer le monde où l’on vit sous ses aspects les plus médiocres.
N’empêche que, de temps en temps la jeune génération pourrait filmer une belle histoire d’amour qui dure.
Au fait, le 12 juin prochain, je fêterai mes 50 ans de mariage.