Comment dire ? Il faut se résoudre, quelquefois, à ne pas comprendre, à ne pas apprécier comme supérieur et incontestable ce qui est chanté à tue-tête par des gens que vous estimez. C’est comme un légume, comme un parfum, comme une mélodie : il y a des tas de gens qui apprécient telle ou telle chose et que vous n’avez aucune raison de suspecter d’apprécier pour la frime et vous, vous ne parvenez pas à vous joindre à eux.
Ma connaissance de l’œuvre, quantitativement considérable, de Woody Allen n’est vraiment pas grande alors que tout devrait m’en rendre proche. Pour je ne sais trop quelle raison (peut-être l’abondance de la production), je n’ai pas suivi son parcours et après m’être plutôt ennuyé à Tout ce que vous avez voulu savoir sur le sexe (j’étais déçu parce que j’espérais que c’était un film olé-olé), je n’ai rien vu jusqu’à Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (bof…) puis Minuit à Paris (intéressant, finalement). Match point m’a décontenancé et guère plu…
« Mais qu’allez-vous regarder là ! » m’ont susurré les amateurs d’Allen… Les grands films ne sont pas les productions récentes, mais ceux de la période charnière des années 80, de Annie Hall à La rose pourpre du Caire : « c’est là que vous découvrirez l’artiste« .
Comme il m’arrive d’être humble et déférent aux conseils bien intentionnés (je les suppose tels, en tout cas), je me suis passé hier Annie Hall. Et confirmation : je n’accroche pas. Je n’ai rien contre les autobiographies, fussent-elles aussi narcissiques et paranoïaques, mais je me perds, sans m’accrocher, dans les acrobaties que je trouve plutôt vaines d’un type assez exaspérant, égotique et hypocondriaque qui vague d’une femme à une autre sans qu’on comprenne très bien ni ce qu’il cherche en elles, ni ce qu’elles trouvent en lui.
Quelques gags (l’éternuement dans la cocaïne, paraît-il non prévu dans le scénario), quelques répliques bien senties, mais pas la moindre image qu’on puisse retenir et l’impression qu’on est devant un flux verbal inextinguible un peu vain. Ça va apporter de l’eau au moulin de ceux qui militent pour les versions doublées des films et qui ont pour cela d’excellents arguments, parce qu’il paraît bien compliqué de suivre à la fois les images projetées et la logorrhée perpétuelle de Woody Allen.
Il n’est pas impossible que je me force quelque jour à regarder Manhattan et La rose pourpre du Caire, tenus par de bons esprits pour le sommet du cinéma de l’auteur. Mais si c’est à peu près la même chose que Annie Hall, je doute vraiment y prendre du plaisir.