Après la vie

apreslavie

Poisseux ; remarquable

Si c’est un soupçon moins bien que Cavale, thriller politique et dense, haletant de bout en bout, et pièce centrale de la trilogie de Lucas Belvaux, cet Après la vie aux tonalités graves, souvent désespérantes, c’est tout de même rudement passionnant et ça couronne précisément une démarche longuement, subtilement conçue, qui ne tombe jamais dans la démonstration.

Que nous apprend en définitive la trilogie des indissociables Un couple épatant/Cavale/Après la vie ? Qu’il faut relativiser nos jugements et nos regards péremptoires et que qui paraît ici limité et violent se révèle, lorsqu’on connaît davantage le déroulé de ses jours et la raison de ses actes à la fois lumineux d’amour et accablé par les contradictions de sa vie…

apreslaviePascal Manisse (Gilbert Melki), lieutenant de police nocturne et fatigué vit une relation d’une grande force avec sa femme, Agnès (Dominique Blanc), à la fois professeur d’anglais qu’on devine d’une rare qualité d’écoute avec ses élèves et morphinomane prête à tout pour avoir sa dose ; tout cela se passe dans la touffeur estivale d’un Grenoble admirablement filmé, dans ses disparités de ville-champignon trop vite et mal grandie au milieu de montagnes magnifiques ; et tout cela se passe alors que Bruno Leroux (Lucas Belvaux), terroriste d’extrême-gauche à la Jean-Marc Rouillan (Action directe), évadé de prison, erre dans la ville, encore tout empreint de ses certitudes marmoréennes pour tuer ses anciens complices et notamment Jacquillat (Patrick Descamps) patron du Milieu grenoblois et habituel pourvoyeur de drogue d’Agnès…

Sommairement ainsi résumée, l’intrigue peut sembler romanesque et excessive, ce qui n’est pas du tout le cas ; d’abord parce que c’est très très bien filmé, souvent caméra à l’épaule et monté avec du rythme et du sens de la scansion dramatique ; puis parce que les acteurs sont tous – absolument tous – formidables ; et enfin parce que le parti pris par Belvaux de suivre dans chacun des trois films des protagonistes différents, mais qui se connaissent ou qui s’entrecroisent, est d’une rare intelligence.

Il y a dans Après la vie, la pauvre et merveilleuse histoire d’un amour inquiet, et il y a l’éclatement que cet amour même fait subir à la logique des vies. Et aussi la tristesse de la fatalité, la fatalité destructrice.

C’est donc un peu dommage que Belvaux n’ait pas résisté à la tentation du happy end (provisoire ?) d’une Agnès qui renonce à la drogue… Il me semble que le propos aurait été plus fort encore si le couple s’était enfoncé dans sa nuit alors même que la nature demeure indifférente et que la vie continue pour tout le monde…

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