On me dit que Arnaques, crimes et botanique, qui date de 1998 (plus de vingt ans, donc) est le premier film de Guy Ritchie. J’en suis d’autant plus content pour lui que j’ignorais jusqu’alors jusqu’à son nom et qu’il avait, depuis lors, accumulé une certaine œuvre dont la découverte sur notre amie Wikipédia me laisse coi, tant je n’ai jamais entendu parler de cette dizaine de toiles qu’il a réalisées. Il est vrai que je ne fréquente pas les multiplexes de banlieue. J’ai sans doute tort (mais peut-être raison) parce que ce premier opus m’a vraiment emballé, par son rythme, sa vivacité, sa cruauté amusante et par le talent avec quoi une histoire assez compliquée est contée.
Car la performance est là : entrecroiser les aventures à la fois parallèles et jointives (voilà une notion mathématique dont je ne suis pas peu fier) de plusieurs bandes qui développent un récit raconté de façon bien subtile. Des bandes qui enfreignent allègrement la loi et l’ordre, mais à des niveaux bien différents. Entre les cultivateurs de cannabis homosexuels (?) craintifs et précautionneux et les hommes d’affaires brutaux de la haute pègre, on passe par le kaléidoscope des minables petits braqueurs (qui cambriolent les bureaux de poste et volent des voitures), des voyous sanguinaires soumis à la dictature d’un chef violent et de la bande de quatre joyeux glandouilleurs qui vivent de petits trafics à la limite de la légalité mais dont un membre – qui ne se salit pas les mains et bénéficie donc du surnom de Soap – occupe même l’honorable profession de cuisinier légalement employé.
J’ai conscience de n’être pas clair. C’est que le film est un entrelacs très habile qui, au début tout au moins, déconcerte et interloque. Les acteurs n’étant d’aucune notoriété, on peut les confondre assez facilement, en tout cas lorsqu’ils appartiennent à la même génération. Il faut donc recommander une grande attention au spectateur virtuel pour les premières séquences ; mais une fois que c’est parti, que les pièces du puzzle sont bien emboîtées, le film est un véritable régal. Mieux : au fur et à mesure qu’il progresse et que les intrigues se rejoignent, il devient de plus en plus jubilatoire et la conclusion en est parfaitement réussie, ce qui est vraiment rare. Au fait tout cela se passe dans les coins les plus minables et crasseux de l‘East end londonien.
Donc une bande de quatre copains : Eddie (Nick Moran), génie des cartes et fils d’un patron de bar pas très net (Sting) ; Bacon (Jason Statham) qui vit d’embrouilles, de ventes à la sauvette de marchandises volées ; Tom (Jason Flemyng) qui trafique de tout ce qu’on veut avec des types aussi douteux que Nick le Grec (Stephen Marcus) ; et donc Soap (Dexter Fletcher), le cuisinier honnête. Les quatre amis sont parvenus à réunir 100.000 £, somme qui est la porte d’entrée pour jouer au poker avec le redoutable Harry la hache (P.H. Moriarty), roi du porno et racketteur respecté dont le bras droit est le redoutable Barry le baptiste (Lenny McLean) et l’exécuteur des basses œuvres Big Chris (Vinnie Jones), lui-même assisté de son jeune garçon Chris junior (Peter McNicholl).
Se greffent sur ce riche terreau quatre illuminés cultivateurs de talent de cannabis : Winston (Steven Mackintosh), J (Nicholas Rowe), Charles (Nick Marcq) et Willie (Charles Forbes). Puis une bande de voyous dominée par le sauvage Dog (Frank Harper). Enfin deux pieds-nickelés petits voleurs Gary (Victor McGuire) et Dean (Jake Abraham) et un gang de Noirs herculéens dirigé par Rory le casseur (Vas Blackwood).
Comme on le voit ça fait beaucoup de monde. Et beaucoup de monde pour se refiler un fameux mistigri, 500.000 £ dues par les quatre copains énumérés au début de cette nomenclature, gagnés – en trichant – par le terrible Harry la hache. Et, en supplément une magnifique paire de fusils Holland & Holland qui vaut à elle seule 250.000 £. Horlogerie bien réglée et bien complexe où l’intérêt rebondit sans cesse, où les péripéties se succèdent en cascade, où surviennent les hasards et les coups de théâtre les plus improbables, mais si bien amenés que le spectateur, ravi, en redemande.
Et la fin, ouverte et narquoise n’est pas la plus mince qualité du film.