Au p’tit zouave

l_238052_680f5d24Assassin affadi

Ma note de 4 ne se justifie qu’en faisant abstraction des dix dernières minutes, larmoyantes et niaises ; mais excepté le ridicule de l’assassin rédimé par l’amour pur d’une jeune fille (snif !) mais néanmoins arrêté, parce qu’il faut bien que la conclusion soit morale, excepté, donc, cette concession au sentimentalisme, ce film du début de la carrière de Gilles Grangier n’est pas mal, pas mal du tout vraiment.

Et le meilleur n’est évidemment pas l’intrigue policière (on s’aperçoit tout de suite qui est l’assassin de vieilles filles), et moins encore l’intrigue sentimentale, mais bien sûr la captation de l’atmosphère de l’époque, du bistrot populaire du boulevard de Grenelle, aux temps où ce quartier n’était pas le marchepied des tours du Front de Seine, mais l’arrière-cour des usines Citroën, et la voie d’accès du Vel d’Hiv de la rue Nélaton.

au-p-tit-zouave-1949-01-gL’assassin affadi de mon titre fait une allusion aussi discrète que réelle à L’assassin habite au 21 dont Au p’tit zouave est une démarque partielle, édulcorée, mais qui y ramène irrésistiblement. Décor unique du bistrot, galerie de trognes pittoresques bien caractérisées, festival de seconds rôles des belles années du cinéma français, de Robert Dalban à Paul Frankeur, en passant par Henri Crémieux (celui-ci délicieusement abject en petit bourgeois hypocrite et salace), d’Yves Deniaud à Jacques Morel.

Il y a tout ce qu’on aime dans cette ethnographie demi-séculaire : des dialogues goguenards, des archétypes tendres (Olga, la pute au grand coeur Marie Daëms, Eugène, le mac vicelard et trouillard, Renaud Mary, Louis, le monte-en-l’air triste qui n’a-pas-de-chance-avec-les-femmes, Bernard Lajarrige), et cette sorte de tradition du cinéma français de l’empathie grognonne, où l’on s’engueule, se charrie, se débine autour de l’apéro ou d’une partie de cartes.

v_181821Quelques scènes excellentes et bien filmées : celle où le respectable M. Florent (Henri Crémieux, donc), commençant par jouer les pères nobles attachés à la vertu, s’embrase graduellement en faisant miroiter aux yeux de plus en plus horrifiés de la tendre Hélène (Dany Robin) que ses faveurs pourraient être bien rémunérées, d’autant que, compte tenu de son âge, il ne demanderait pas grand chose (on en est d’avance dégoûté) ; celle où le Commissaire (Paul Frankeur) fait comprendre au patron du bistrot, M’sieur Armand (Robert Dalban), accessoirement receleur qui il est et qui domine la situation : il y a une bouffée de fumée de cigarette jetée en pleine face qui est du grand art de comédien.

Et si L’assassin est affadi, c’est que – je livre le secret de polichinelle – l’assassin, c’est François Périer, dont le personnage assez mièvre est plus proche du Marcel Maurin que joue Jean Desailly dans Maigret tend un piège, c’est-à-dire un pauvre bonhomme qui n’a pas su grandir et en veut à toutes les femmes que de l’effroyable trio maléfique Larquey, Roquevert, Tissier du film ci-devant cité de Clouzot, , assassin pour l’éternité.

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