Au revoir, Mr. Chips !

en3577

Toute une vie…

C’est un bien joli film, sans doute un peu larmoyant, mais émouvant, pudique et tendre, qui relate toute une vie qu’on pourrait juger parcimonieuse et insignifiante si elle n’avait été illuminée par une trop brève et douce histoire d’amour et plus encore peut-être par un de ces attachements formidables à une école et à des élèves qu’on ne trouve guère que dans les pays anglo-saxons…(souvenons nous du déjà bien oublié Cercle des poètes disparus…) .

A Brookfield, un de ces collèges huppés, si improprement appelés public schools, comme Eton ou Harrows, arrive, vers 1880, Chipping (Robert Donat), professeur assez empoté, timide, tout dévoué à cette sorte d’apostolat à l’anglaise qui consiste à porter très haut le renom du collège et à transformer en hommes courageux la tripotée de nobliaux qui y sont inscrits de père en fils.

Sans faire de bruit, avec discrétion et monotonie, Chipping mène à Brookfield une vie insignifiante, jusqu’à ce qu’un de ses collègues, le professeur d’allemand Staefel (Paul Henreid) l’emmène en vacances en Autriche. Chipping va y rencontrer Katherine (Greer Garson) et l’amour, par la même occasion. Katherine rendra Chipping, qu’elle surnomme Chips, très heureux, lui permettra de s’épanouir auprès de ses élèves, qu’il charme désormais par sa bienveillance, sa chaleur humaine et son humour… jusqu’à ce qu’elle meure en couches.

Sans femme, sans enfant, Chips vieillira avec le collège, s’identifiant de plus en plus à lui ; il part en retraite à la veille de la guerre de 1914, et il va avoir la douleur de perdre beaucoup de ses anciens élèves, qu’il aimait comme des fils. Il meurt sans amertume, tout illuminé des souvenirs tendres de Katherine, des rires et des éclats de gaieté des collégiens qu’il a aimés.

Le mot Fin apparaît sur l’écran ; chacun fait mine d’avoir tiré son mouchoir pour s’ôter une poussière dans l’œil…

Il faut en effet avoir l’esprit particulièrement cynique, et même sarcastique, pour ne pas marcher dans cette jolie histoire triste, qui couvre quarante ou cinquante ans d’une vie d’homme, marquée par la loyauté, la fidélité au collège, la passion de l’éducation des âmes jeunes et où les quelques années de bonheur conjugal si vite enfuies font figure d’île isolée au milieu d’une apparente banalité.

Pour ce rôle, Robert Donat, dont j’avoue que j’ignorais tout, mais dont Imdb m’apprend qu’il mourut fort jeune, à 53 ans et qu’il fut la vedette de Fantôme à vendre de René Clair, pour ce rôle, donc, Donat reçut un Oscar qui, au vu de la performance d’acteur et de l’empathie dégagée, n’était pas usurpé. On regrette beaucoup de voir si peu la lumineuse Greer Garson, le sourire de la vie de Chips, aussi gaie et séduisante que dans Mrs Miniver de William Wyler. On songe combien fut forte la permanence de ces collèges anglais, dont les méthodes forgèrent l’âme d’un peuple qui sut, seul, résister au Diable entre juin 40 et juin 41 sans s’étonner qu’on ne lui ait promis que du sang, de la sueur et des larmes.

Et l’on se demande pourquoi nous n’avons pas su, en France, créer cet esprit d’appartenance, de cohésion et de fidélité. Car ni Les anciens de Saint-Loup, ni Les disparus de Saint-Agil ne sont de la même trempe (il est évident que je ne porte pas là un jugement sur ces deux films que j’aime infiniment).

Laissez vous avoir par l’émotion et dites, vous aussi, Goodbye, Mr. Chips !

Leave a Reply