Premier et dernier Lazenby
Tout y est, ou presque :les personnages secondaires (M – Bernard Lee -, Q – Desmond Llewelyn, Moneypenny – Lois Maxwell), la musique du thème de John Barry, les voitures de luxe, les paysages excitants et les filles superbes (on pourrait écrire tout autant les voitures superbes, les paysages de luxe et les filles excitantes, et ainsi de suite).
Tout y est et en même temps c’est très différent, ce qui a beaucoup décontenancé les spectateurs. Remplacer Sean Connery était déjà une gageure, tant l’Écossais avait marqué le personnage, lui avait donné son allure et l’avait définitivement fixé dans nos imaginaires. Mais effectuer ce remplacement en prenant les risques considérables d’un scénario où Bond tombe vraiment amoureux, se marie et voit, aux dernières images, la femme de sa vie assassinée par Irma Blunt (Ilse Steppat), âme damnée de Blofeld (Telly Savalas), son ennemi juré et chef du SPECTRE était un pari délicat.
Cela revenait en effet à tourner un film où l’invincible héros, qui s’était déjà sorti avec du grabuge, mais sans encombre des griffes du Dr. No, du SPECTRE (déjà !) et de Rosa Klebb (Lotte Lenya), de Goldfinger, du SPECTRE (encore !) et d’Emilio Largo (Adolfo Celi), du SPECTRE (toujours !) et de Blofeld en personne (Donald Pleasence, alors) verserait des larmes de sang et, finalement, serait écrasé en une amère victoire.
J’avais à l’époque, comme tout le monde, je pense, pesté contre la décision de Sean Connery d’abandonner les oripeaux d’un personnage qui lui avait donné fortune et célébrité, lui avait en tout cas sûrement permis de pouvoir désormais jouer des rôles où son grand talent ne serait plus confiné dans un seul style, fût-il aussi brillant. J’avais pesté mais j’avais trouvé, au contraire de beaucoup, que George Lazenby ne s’en sortait pas si mal que ça, ce que je n’ai jamais pensé de Roger Moore qui m’a d’emblée agacé. Et à la revoyure, je trouve qu’il colle assez bien à ce Bond mélancolique et amoureux de Teresa.
Ah ! Teresa ! Si Honor Blackman, en Cathy Gale avait déjà quitté John Steed (Patrick Macnee) et Chapeau melon et bottes de cuir pour être la Pussy Galore de Goldfinger, il me semble qu’elle marquait moins le film. Alors que Diana Rigg qui avait, en Emma Peel, fait aussi défection de la délicieuse série britannique irrigue Au service secret de Sa Majesté de tout son immense talent ; à dire vrai on ne s’étonne pas que Bond puisse en tomber vraiment amoureux, parce qu’elle n’est pas une bimbo simplement attrayante comme toutes ses conquêtes habituelles (et, à dire plus vrai encore, on se dit que si Moneypenny avait un grain de fantaisie en plus…).
On avait jusqu’alors connu de l’exotisme : Jamaïque pour Dr. No, Istanbul pour Bons baisers de Russie, Floride pour Goldfinger, Bahamas pour Opération Tonnerre, Japon pour On ne vit que deux fois ; il était temps de tâter un peu de la neige et la poursuite à ski, la course de stock-car sur glace, la bagarre en bobsleigh font partie des excellents morceaux de bravoure de la série. Si Telly Savalas a le physique singulier qui sied à Blofeld, génie du mal, je le trouve un peu trop impliqué, un peu trop actif : son incarnation la plus parfaite est, à mes yeux, Charles Gray dans Les diamants sont éternels, opus suivant de la série, et film très médiocre qu’il sauve de la nullité.
Tout cela était bel et bon et les producteurs Saltzman et Broccoli, un peu inquiets de la nouvelle incarnation ont voulu montrer la continuité avec les premiers films en insérant des extraits dans le générique, au presque détriment des habituelles danses lascives de créatures de rêve en ombres chinoises. Mais ça n’a pas suffit. Exit Lazenby ! Peut-être dommage…