Barry

Édifiant et larmoyant

Il me semble que l’expression Un Saint-Bernard demeure, mais que bien peu des jeunes générations pourraient faire le lien avec l’hospice créé par Saint Bernard de Menthon au 10ème siècle, au sommet d’un des cols les plus fréquentés des Alpes pour abriter et protéger les voyageurs des brigands et des intempéries ; il y aurait peut-être un peu davantage d’amis des bêtes qui se souviendraient de cette race particulière de chiens vigoureux et robustes, dressés à la défense, mais aussi à la recherche des malheureux emportés par une avalanche ; il fut le temps heureux d’avant la loi Évin où on représentait ces braves molosses avec, au cou, un tonnelet de cordial alcoolisé destiné aux victimes frigorifiées ! Passons !

Barry, qui est le nom d’un chien, est un film niais et attachant, dont le meilleur, qui n’est pas considérable, est une sorte de chronique romancée sur les exploits des moines et des chiens, dans les quinze premières années du 19ème siècle, lorsque les égarés, les malchanceux et les imprudents n’étaient pas sauvés par les hélicoptères de la Gendarmerie, mais par des clercs dévoués qui partaient à tout moment sur les pentes avec un grand bâton et une lanterne à huile.

barry_29129_26344Malheureusement, sur ce reportage attendrissant, est plaquée une histoire sentimentale assez gentillette, mais si naïve qu’elle gâche notablement toute la sympathie qu’on pourrait avoir pour un film qui, sans grands moyens, parvient souvent à donner une idée de ce que pouvait être le secours en montagne il y a deux cents ans.

Il y a une jolie fille au village, Angélina (Simone Valère), fille du matois et rapiat aubergiste Cavazza (Jean Brochard) ; à dire vrai, je me demande pourquoi, tant elle est insignifiante, elle suscite tant d’intérêt : sans doute parce qu’elle est à peu près la seule convenable de ce trou perdu ! Mais le fait est que Théotime (Pierre Fresnay), qui a vingt ans de plus qu’elle en est fou mais y a renoncé du fait de la différence d’âge pour entrer à l’Hospice, laissant la place – ô cœur généreux ! – à son meilleur et plus jeune ami, Sylvain Bavoizet (Gérard Landry) ; seulement Bavoizet n’est qu’un petit artisan ce qui ne fait pas l’affaire du père Cavazza qui souhaite marier sa fille à un garçon d’avenir, Jean-Marie Sondaz (Marc Valbel).

barry03Tout est en place pour de tristes et mélodramatiques aventures qui commencent en 1800 aux moments même de l’audacieux passage des troupes françaises qui vont se couvrir de gloire à Marengo, et qui vont conduire à de navrantes vies gâchées, à la suite de péripéties variées et invraisemblables ; mais tout s’achève à peu près bien, quinze ans après : Angélina, puis la fille qu’elle a eue de Jean-Marie, parce qu’elle croyait mort Sylvain (me suivez-vous ? oui ? bravo !) sont sauvées d’une avalanche par le père Théotime et Sylvain ; au moment où s’achève le film, on n’a pas encore retrouvé trace de Jean-Marie : on n’y parviendra sans doute pas, ce qui est bien la moindre des choses, et tout prête à penser que les deux amoureux jadis injustement séparés pourront refaire leur vie !

Je me moque un peu, mais le film n’est pas déplaisant : Pierre Fresnay, spécialiste incontesté des rôles édifiants à cas de conscience, fait du Fresnay ; si Simone Valère est transparente, Jean Brochard, avare, ambitieux, borné, matois, est excellent comme toujours, et Yves Deniaud, sergent recruteur qui enlève Angélina à Sylvain est plutôt réussi. Il y a une excellente idée musicale, mais c’est une phrase, une mélodie trop courte, qui, à la longue, finit, par sa répétitivité, à lasser…

On peut s’amuser à retrouver dans la scène où Théotime fait mine d’aider Sylvain à écrire à Angélina une lettre d’amour, lettre qui, en fait, est sa lettre et la manifestation occultée de son amour, une reprise des identiques situations de Cyrano, lorsque le poète se substitue ainsi virtuellement à Christian en écrivant, ou parlant, sous le balcon à Roxane… Il faut bien trouver son plaisir dans la référence !

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