Il paraît qu’il y a des gens qui pensent que les hommes ne viennent pas de Mars et les femmes de Vénus, que les petits garçons ne vont pas frapper spontanément dans un ballon et les petites filles ne vont pas cajoler une poupée sans qu’on les y ait forcées. Les billevesées de l’aigrie existentialiste, sartreuse, maoïste Simone de Beauvoir qui a asséné qu‘On ne naît pas femme, on le devient ont fait beaucoup de ravages qui, avec le féminisme woke d’aujourd’hui ne cessent d’empuantir l’atmosphère. Et pourtant, s’il y a une évidence facile à constater, c’est celle-là. Et qui se manifeste crûment dans les œuvres artistiques
Je n’évoque évidemment pas les films militants dont le discours, si intéressant qu’il peut être (les films de Chantal Akerman, par exemple) est biaisé, puisqu’il se veut démonstratif. Mais une manière d’écrire et/ou de filmer qui met en valeur une sensibilité particulière que les hommes ont sans doute du mal à saisir. Qui entraîne la sanction sans réplique Tu ne comprendras jamais les femmes !. Ben non, c’est vrai, je ne comprendrai jamais vraiment les états d’âme de Jane Eyre, d’Elizabeth Bennet (Orgueil et préjugés), de Karen Blixen (Out of Africa), d’Ada McGrath (La leçon de piano). Vous me direz qu’à part Jane Campion pour le dernier film nommé, les autres ont été tournés par des réalisateurs masculins. Certes, mais les récits d’origine sont de Charlotte Brontë, Jane Austen, Karen Blixen …
Ce long préambule dressé (un peu fumeux, je veux bien concéder) n’a d’autre sens que de classer Beignets de tomates vertes dans cette catégorie de films de femmes. Car bien qu’il ait été tourné par Jon Avnet, il a été écrit par une certaine Fannie Flagg. Celle-ci est réputée être la meilleure romancière contemporaine du Sud profond depuis Margaret Mitchell (au fait, Autant en emporte le vent est le contre-exemple parfait de ce que j’énonçais plus haut : car à côté de Scarlett O’Hara, quel personnage éblouissant que Rhett Butler !).
Ce n’est pas seulement parce que les quatre protagonistes principales de Beignets de tomates vertes sont du beau sexe que c’est un film de femmes. C’est parce que les sentiments présentés, les péripéties, la structure même du récit font un peu penser aux mélodrames, aux romans-photo, aux romans de gare dont nos compagnes sont réputées faire leur miel. Je me reprends, avec cette vile provocation : il faut entendre ce que j’écris par un goût prononcé pour les histoires sentimentales, empreintes de belles amitiés et de sentiments fidèles : une sorte d’idéalisation assez pure de la vie.
Résumons un peu. Au fin fond de l’Alabama, Evelyn Couch (Kathy Bates), grassouillette ménagère engluée dans la routine matrimoniale avec Ed (Gailard Sartain), son brave mari égoïste, rencontre fortuitement dans un Ehpad Ninny Threadgoode (Jessica Tandy). Les deux femmes sympathisent et la vieillarde entreprend de raconter à la ménagère l’histoire compliquée de sa famille, au début des années Trente, soixante ans auparavant. Et notamment la superbe amitié qui a uni Imogène dite Idgie (Mary Stuart Masterson), la belle-sœur de Ninny, véritable garçon manqué rebelle et attachante et Ruth Jamison (Mary-Louise Parker) ancienne fiancée de Buddy (Chris O’Donnell), le frère adoré d’Idgie, tué accidentellement par un train.
Au fil des entretiens et des méandres du récit, Ninny fait prendre conscience à la molle Evelyn qu’elle ne doit pas, qu’elle ne peut pas se laisser aller. Et ça marche, au fur et à mesure que le récit de la vie difficile de Ruth et Idgie se développe. Ruth meurt d’un cancer, Idgie vit peut-être encore… On voit que c’est bien romanesque tout ça, alors même que je n’ai fait qu’effleurer les drames et joies de l’histoire.
Au fait, tous les mâles de quelque importance qui apparaissent dans le film sont minables ou désagréables ou dangereux, à part quelques utilités qui occupent une place mineure.
Un film de femmes, non ?