Rouletabille en Amérique.
Si l’on n’est pas trop regardant sur les vraisemblances, si l’on accepte de recevoir de gros paquets de poudre aux yeux et d’admettre tout le lot des coïncidences qui sont à la fois le fardeau et le charme des feuilletons haletants, Benjamin Gates et le trésor des Templiers tient à peu près son rang de sous-produit de la série des Indiana Jones et parvient même quelquefois à captiver l’adolescent qui sommeille encore dans le presque vieillard. Après tout, nous avons tous été élevés dans le plaisir sans mélange, sans doute issu du scoutisme (mais peut-être encore des quêtes médiévales) de l’aventure et du jeu de piste.
Encore faut-il que ce jeu de piste, avec ces indices complétement tordus et, à première vue incompréhensibles, ne s’étale pas trop longuement. Le film de Jon Turteltaub, bien qu’il soit mené sur un rythme allègre et souvent capricant en fait pourtant un peu trop et gagnerait à se voir coupé d’un bon quart d’heure et de quelques péripéties annexes. À tout le moins pour être projeté de ce côté-ci de l’Atlantique.
Car ce que j’ai le plus remarqué, c’est, de façon surprenante pour un Européen rassis, la référence constante, voire obsessionnelle à la mince histoire des États-Unis d’Amérique et au folklore légendaire de leurs commencements. Je me demande d’ailleurs, dans un grand élan fort peu charitable, ce que les populations juvéniles banlieusardes ont pu entraver à ces références constantes aux Pères de la Révolution américaine, à George Washington, Benjamin Franklin ou Thomas Jefferson et aux symboles y afférents, le parchemin de la Déclaration d’indépendance ou la Cloche de la Liberté. Tout cela est mixé avec la volonté un peu désespérée de se constituer une sorte d’aristocratie, du type des descendants des passagers du Mayflower ou des Filles de la révolution américaine. Enfin ! On ne peut reprocher à personne de se vouloir un passé convenable.
Mais tout cela voisine, dans un grand élan décérébré avec les momeries occultistes où sont coagulés, dans un syncrétisme pour lecteurs du Da Vinci Code, bâtisseurs du Temple de Salomon, Templiers, Francs-Maçons. Les uns, successeurs des autres ont constitué, depuis les temps les plus anciens un inestimable trésor où s’accumulent statues de la plus haute antiquité et papyrus sauvés de la mise à sac de la Bibliothèque d’Alexandrie. Voilà qui donne à l’intrigue une base assez grisante. Les Pères fondateurs des États-Unis, tous maçons et donc dépositaires du trésor, l’auraient dissimulé pour qu’aucun homme seul n’en pût être détenteur et la famille Gates, bénéficiaire heureuse et hasardeuse du secret aurait tenté pendant plus de deux siècles de retrouver sa trace.
Voilà où nous en sommes au moment où le film commence. Benjamin Gates (Nicolas Cage), un peu plus déterminé ou un peu plus malin que ses ancêtres et beaucoup moins sceptique que son père Patrick (Jon Voight) ne vit, depuis son adolescence que pour cette quête à peu près sans fin, chaque indice signalant l’emplacement du trésor ne cessant de renvoyer à un autre indice, dans une sorte de cheminement infini.
C’est très ingénieux si l’on accepte d’entrer dans le jeu et d’admettre que Gates puisse, miraculeusement, à chaque embûche et à chaque nouvelle énigme, résoudre la difficulté, mi par subtilité, mi par hasard et échapper aux chausse-trapes. Et cela d’autant plus qu’il est à la fois poursuivi par un rival, le détestable Ian Howe (Sean Bean) et par le FBI mené par l’agent Peter Saduski (Harvey Keitel) et qu’il doit parallèlement régler ses relations avec la directrice des Archives Abigail Gates (Diane Kruger) vouée à la préservation de l’original de la Déclaration d’indépendance (je n’explique pas pourquoi ni comment ce parchemin a pris tant d’importance et qu’il est dans les mains de Gates : ça dépasse la longueur honnête d’une chronique).
Quoiqu’un peu long, donc, c’est animé et vigoureux et les séquences quasi terminales dans les profondeurs insondables d’une église, au milieu de boisements vermoulus valent leur pesant d’émotions fortes. Les acteurs sont conformes à ce qu’on peut attendre d’eux dans ce genre de films pour grands adolescents et la fille est bien belle. Que demander de plus ?