L’araignée dans le plafond.
Un carton signé Louis Malle prévient d’emblée le spectateur : Ce film ne s’adresse pas à votre sens logique. Il présente un monde familier et différent. Comme les rêves. Laissez-vous emporter. Et, bon prince, ainsi averti, on est prêt à ne pas céder à la tentation et à vagabonder sur des images surprenantes.
D’autant que ça ne commence pas mal du tout. Une route de campagne, un causse du Lot ; une lumière bleu sombre de crépuscule ; on est en hiver ou sans doute plutôt à la fin de novembre ; un animal (porc-épic ? loir ? chat ? on ne distingue pas bien) est écrasé par une voiture orange ; une toute jeune fille (Cathryn Harrison) en descend, repart, roule seule à travers le désert ; croise une femme soldat morte qui git, sanglante, sur le bord de la route ; tombe dans une embuscade dressée par des hommes qui fusillent des femmes armées ; s’enfuit à travers champs ; erre dans une sorte de désolation mystérieuse ; découvre un berger pendu, son troupeau indifférent continuant à paître ; au milieu de tout cela des animaux angoissants : une énorme couleuvre, un scolopendre, une mante religieuse, des cigales.


Le malheur est qu’on commence alors assez vite et assez fort à se lasser ; on trouve que ça se répète beaucoup et qu’il n’y a plus beaucoup d’idées : une fois les personnages enfermés dans la bouteille, ils ont tendance à se cogner inlassablement les uns les autres sans pouvoir sortir du récipient. Ça n’empêche pas quelques séquences intéressantes et quelques images troublantes, mais enfin c’est bien un des problèmes de ce genre onirique affirmé : il faut tenir la distance. Et on en a marre des silences d’Alexandra Stewart, des couinements des animaux, des ricanements des enfants nus, des énigmes posées par la licorne et des changements d’humeur de la vieille dame.
Le visionnage du supplément inclus dans le DVD est d’ailleurs tout à fait édifiant : les interviouvés ont une certaine gêne à parler du film : l’un des intervenants signale, narquois, que le film a du succès dans le ciné-clubs des États-Unis. Alexandra Stewart (qui était à l’époque la compagne de Louis Malle) semble dire que c’était une lubie du réalisateur et Ghislain Uhry, le co-scénariste et décorateur indique carrément que le talent du metteur en scène n’était pas du tout approprié à ce genre de cinéma (et que le film a été plus encore affaibli par le montage et la nullité de jeu et la bêtise intrinsèque de Joe Dallesandro).
À oublier, donc (aussi vite que Zazie dans le métro).