Pétillant !
Si l’on excepte les hagiographiques Ceux de chez nous (1915) et Pasteur (1935), ce charmant Bonne chance est le premier film de Sacha Guitry, qui en laissa, d’ailleurs, la réalisation technique à Fernand Rivers ; et je gage que le bonhomme – immortel auteur de Berlingot et Compagnie – a plutôt tiré vers le bas ce marivaudage, quelquefois leste, qui n’est pas cité souvent parmi les œuvres du Maître, et mérite mieux que cette relative désaffection.
D’abord, l’anecdote, farfelue, invraisemblable, funambulesque, est absolument délicieuse et rouée : un artiste peintre déjà mûr et Marie, une jeune blanchisseuse (l’évidente Jacqueline Delubac) se plaisent sous l’œil courroucé de la mère de la belle (Pauline Carton) pour qui le peintre est un va-nu-pieds et à qui elle préfère le terne employé Prosper (Numès fils) qui obtient la main de la jolie fille et fait publier les bans.
Le gros lot de deux millions de la Loterie nationale gagné par Marie, elle en offre la moitié à l’artiste qui accepte à la seule condition qu’ils le dépenseront ensemble dans les treize jours qui leur restent avant le mariage avec Prosper, dans une folle et luxueuse croisière vécue en frère et sœur.
Naturellement les bonnes résolutions ne tiendront pas tout le temps du voyage ; naturellement, tout se terminera très bien avec le mariage des héros, plein de sous gagnés qui compensent ceux qui ont été dilapidés dans un voyage de luxe et de plaisir.
C’est pétillant, joyeusement immoral, formidablement bien joué par les deux acteurs principaux, qui venaient de se marier au tout début de cette année 1935 et qui ont véritablement une allégresse amoureuse qui déteint sur le film ; c’est plein de mots drôles, souvent ambigus où – pour une fois – l’héroïne n’est pas une jolie gourde, mais une femme d’esprit ; il y a quelquefois un peu d’excès, d’outrances, quelques maladresses de réalisation, mais c’est un film de cinéma, avec une caméra maladroite, mais quelquefois virevoltante…
Et ce n’est pas ravissant, ce mot que le Maire du village dont est originaire Marie, disant à son secrétaire qui trouve les amoureux trop fantasques : Ce sont des gens heureux, ce qui donne toujours à ceux qui ne le sont pas l’impression de la folie !.
Ce n’est pas une jolie définition de l’amour, ça ?