C’est toujours embêtant quand la perfection formelle d’un film éteint un peu l’émotion, parce que, précisément, elle prend le pas et qu’on en arrive à l’admirer avec trop de distance !
Qu’est-ce qu’on peut reprocher, en effet, à Brigadoon ? Absolument rien, ou presque (même si la musique et les lyrics me semblent un soupçon en dessous du chef-d’œuvre) ; car il y a tout : un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma, Vincente Minnelli, les deux plus grands danseurs de leur génération, Gene Kelly et Cyd Charisse, des éclairages et des couleurs époustouflants, et toute l’Écosse rassemblée , les bruyères, les landes, les bœufs Angus, les ronces, les toits de chaume, les feux de tourbe, les lits clos, les colleys, les fougères, les tartans et les kilts, les grouses et les perdreaux, la vie communautaire sous l’égide d’un saint homme de pasteur…
Et c’est précisément cette perfection qui me retient et fait refluer ma notation, parce qu’à la longue ces tableaux artistement composés, du pas-de-deux dans les bruyères au défilé des clans finalement,eu égard à la minceur, à la niaiserie même, de l’anecdote, sans jamais lasser, n’emportent pas tout à fait l’adhésion.
Ce n’est évidemment pas sur l’artificialité des décors, tous léchés comme sur un chromo touristique, ni sur le pittoresque des populations écossaises que je bute, mais bien davantage sur l’exercice de style, magnifiquement, splendidement mis en scène, mais tout de même un peu froid, un peu extérieur.
Cela étant, cette belle note est pleine d’une réelle admiration pour la performance, l’aisance impeccable de la réalisation : on voit bien que Minnelli est absolument souverain, notamment dans les scènes de foule, qu’il a une maestria bluffante : la scène initiale, au marché du village (qui, curieusement, me fait un peu songer, de par son éblouissement coloré, au Magicien d’Oz et à la présentation de la guilde des Sucettes) est un enchantement, comme est magnifiquement filmée la poursuite nocturne de Harry Beaton, (Hugh Laing), l’amoureux éconduit, finalement abattu, comme une vulgaire bécasse par Jeff Douglas (Van Johnson), l’alcoolique ami de Tommy Albright (Gene Kelly) (au fait, vous ne trouvez pas bizarre qu’en tirant à plombs sur un volatile, Douglas abatte Beaton comme s’il avait utilisé une balle dum-dum pour éléphants ?).
Mais bon ! Je songeais, en rangeant mon DVD, que je m’étais bien davantage enflammé pour Les sept femmes de Barbe-Rousse de Stanley Donen, qui est de la même année 1954, qui est sûrement moins formellement exemplaire, mais qui a davantage de vigueur…