Voilà un film réussi, tendre, drôle, émouvant, charmant, intelligent… Je ne dis pas que je me le rappellerai dans dix ans comme un des sommets de ma vie de cinéphage, mais je suis sorti de la salle avec beaucoup de satisfaction et guère de reproches aux lèvres, ce qui n’est pas si fréquent.
Pourquoi être allé voir ça, moi qui ne vais dans les salles obscures que cinq ou six fois par an, dans les bons millésimes, y redoutant la queue devant les guichets, la présence odoriférante ou bruyante (ou les deux) de mes contemporains, l’impossibilité d’aller pisser sans arrêter la projection et plein d’autres trucs qui me font largement préférer le visionnage de DVD ? Pourquoi ? Parce que je trouve que Noémie Lvovsky a du talent et un visage intéressant. C’est tout ? Quelquefois c’est suffisant.
Il paraît que Francis Coppola a réalisé, il y a des lustres un film qui s’appelle Peggy Sue s’est mariée, que je ne regarderai sans doute jamais, qui est à peu près sur le même thème : une quadragénaire bien frappée, confite dans le whisky, qu’elle ingurgite au goulot, lâchée par son mec, sans beaucoup d’emploi ni de talent (elle est comédienne) se trouve par la grâce cinématographique propulsée dans son passé.
Elle a seize ans, des parents crispants, aimants, délicieux et fragiles (Michel Vuillermoz et l’immense Yolande Moreau), une palanquée de chouettes copines, un bahut à la fois prison et royaume (pour paraphraser Gilbert Cesbron) et les soucis inhérents à tout cela.
Revivre le passé en connaissant ses méandres, ses catastrophes et ses fatalités… Savoir qu’on va être malheureuse comme tout avec Éric (Samir Guesmi), un grand dadais qu’on voudrait fuir mais dont on sait qu’on sera passionnément amoureuse ; savoir que sa maman va un jour connu s’effondrer mortellement dans sa cuisine, savoir qu’on va beaucoup perdre et beaucoup gagner à l’école de la vie. Être incapable d’y changer quoi que ce soit…Ou presque…
C’est ce Ou presque qui conduit le film, sans jactance philosophique, sans effet fictionnel improbable. Mais ce n’est pas le plus important. Ce qui compte c’est la subtilité élégante du récit, l’agrément qu’on y prend, l’affection que l’on ressent pour cette adolescente banale et essentielle, sans histoire ni révolte, qu’on se prend à suivre…
La fin du récit est un peu tarte, parce que c’est le sort des films, qu’il faut bien les achever pour laisser le spectateur revenir à la réalité, mais Camille redouble, délicieusement interprété, est vraiment plein de qualité.