Carnet de notes pour une Orestie africaine

Zéro pointé.

Étonnant tout cela, et surtout drôlement efficace, écrivait il y a dix ans un commentateur (qui ne se risquait pas toutefois à donner une note).. Étonnant, j’en suis tout à fait d’accord. Mais efficace ! une sorte de magma narcissique, discordant, à la fois ampoulé et puéril qui jette une douche froide sur l’intérêt tout nouveau que je portais à Pasolini après avoir vu, sur le même DVD, Mamma Roma, de facture infiniment plus classique.

Carnet de notes pour une Orestie africaine est une sorte de brouillon expérimental (de ce point de vue, le titre ne raconte pas de salades : ce sont vraiment des notes jetées en tous sens), un brouillon qui tourne en brouet, en gloubi-glouba où personne ne retrouve ses petits : il y a l’évocation de la mythologie grecque, que le réalisateur voudrait transposer en Afrique (ce qui, à la limite, peut se concevoir), il y a un lourd discours politique empli de toutes les fumées du gauchisme tiers-mondiste des années 70, il y a un moment incongru, physiquement éprouvant où un fou furieux doté d’un saxophone déchire nos tympans, accompagné d’une psalmodie incompréhensible d’un homme et d’une femme. Il n’y a rien sur quoi on puisse s’appuyer, pas un mot, pas un regard, pas une image qu’on pourrait conserver.

Pasolini_set_Appunti_per_un_Orestiade_africanaCe ne serait pas grave si précisément Pasolini avait gardé par devers soi cette sorte d’aide-mémoire filmé ; après tout, pour préparer un roman, un essai, un tableau, on est tout à fait libre de confectionner une esquisse comme on l’entend et sous la forme la plus propice. Mais présenter au public ses propres gribouillis est tout de même assez gonflé : il faut laisser ça – et le plus possible post mortem – aux spécialistes qui publient ce qu’on appelle des éditions savantes, celles où le moindre changement de virgule dans un paragraphe est traqué et fait l’objet de gloses savantes pour happy few. Mais en aucun cas – c’est une affaire de bon goût – venir montrer ses petites crottes en clignant de l’œil de façon complice, du type Z’avez vu comme ça carbure intelligemment dans mon ciboulot ?.

Tout ça se passe dans un contexte politique précis : celui des vagissements des nations africaines décolonisées, qui se remettaient immédiatement sous un autre joug colonial, celui des puissances communistes ; en l’espèce la Guinée de Sekou Touré se tournait vers la Chine ; des tas de gogos songeaient alors que la vigoureuse Afrique était grosse d’une révolution mondiale. On voit aujourd’hui ce qu’il en est… Les jeunes Africains conviés par Pasolini à la fin pour commenter sa bouillie ne rêvent que d’une chose, c’est visible : prendre le pouvoir pour piller leur pays au profit de leur tribu ou de leur ethnie. Et pendant ce temps le cinéaste s’excite sur la Révolution en marche en illustrant son film par le vieux chant révolutionnaire La Varsovienne. Par on ne sait quelle ironie de l’Histoire La Varsovienne est la musique du chant de marche d’un des plus glorieux régiments de l’Armée française, le 1er régiment de hussards parachutistes, les hussards de Bercheny dont le parcours est tout, sauf révolutionnaire…

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