Il doit y avoir eu de la coucherie là-dessous…
Ce film est un des derniers qu’ait tourné le prolifique Henri Decoin et sûrement pas un des meilleurs ; mais profitant du bas prix d’une enseigne discompteuse, attiré par le titre, qui sent ses années Soixante à plein nez, par l’intérêt que je porte à ce qu’a tourné Maurice Ronet et davantage encore par ma propension à acheter tout et n’importe quoi, je viens de voir ce Casablanca nid d’espions dont le roublard titre espagnol est Las noches de Casablanca (olé !).
Autant le dire, ce n’est pas terrible, et ceux qui, parce que ça se passe en 1942, tâcheraient de trouver des éléments de comparaison avec le Casablanca de Michael Curtiz seraient bizarrement inspirés.
À mon sens, des producteurs espagnols de 1964 avaient un peu de sous à dépenser, de l’amitié ou de l’admiration pour Decoin, Ronet et Franco Fabrizi et l’un d’entre eux (ou chacun d’entre eux) devait avoir envie de coucher avec Sara Montiel (ou bien procéder déjà à cet exercice, sans doute point désagréable en soi).
Parce que caler un scénario d’espionnage, de résistance au milieu de numéros musicaux spectaculaires, du type Casino de Paris (à moins que ce ne soit le contraire), afin de donner à la belle Espagnole son content de roucoulements est tout de même un peu gonflé. D’ailleurs, il y a un truc rigolo, qu’on n’oserait plus faire aujourd’hui, peut-être : quand Montiel chante une chanson française, (La vie en rose par exemple), elle est doublée – fort mal, d’ailleurs – par une voix française ; et quand c’est une chanson espagnole, comme Besame mucho, on lui redonne sa voix originelle, sensiblement plus grave : le public était naïf, non, à l’époque ? On se fout toujours de lui, aujourd’hui, mais dans un autre style… Passons.)
Donc, c’est complètement invraisemblable, quelquefois idiot ou incohérent (les Allemands, au début, ont pour couverture une société d’import-export danoise et paraissent respecter la souveraineté du mandat français ; et à la fin du film, ce sont eux qui donnent les ordres aux policiers français et font contrôler les chemins qui entourent Casablanca).
Mais il y a tout de même quelques bons petits trucs, dont un ou deux qui m’ont rappelé la grandissime Armée des ombres.
Qu’on me comprenne bien : je profanerais la gravité douloureuse du chef-d’oeuvre de Melville si je laissais entendre qu’on perçoit dans l’un et l’autre film la même voix tendue ; mais tout de même, quand Ronet, apparent benêt et en réalité patron de la Résistance dit à ses amis réunis Dans le doute, il faut tuer même un ami, pour éviter qu’il soit torturé et qu’il parle et que, le cas se présentant, il n’hésite pas une seconde à abattre un de ses lieutenants, on retrouve un peu de l’atmosphère dramatique qu’ont connue ceux qui ont vécu ces drames…
Bien sûr, ça ne suffit pas à donner un intérêt suffisant à cette œuvrette de fin de carrière ; mais ça la sauve du 1 que j’aurais mis autrement…