Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Mensonges d’État

lundi, avril 17th, 2023

La vie quotidienne des espions.

Toujours se méfier de la traduction des titres originaux : Body of lies signifie littéralement Corps de mensonges, si j’en crois le traducteur de Google. En France, cela a donné Mensonges d’État, ce qui semble jeter un regard sourcilleux, vertueux, critique, sur les pratiques des Pouvoirs publics. Mais si on cherche un peu davantage, on s’aperçoit qu’au Québec, le titre primitif est traduit en Une vie de mensonges. Et ce titre-là me semble, à cent-mille égards, le meilleur. Et de loin. Parce qu’il décrit parfaitement bien la réalité de la vie des agents secrets que les États utilisent pour lutter contre leurs ennemis. Hautes ou basses œuvres, là n’est pas la question ! On peut poser un regard vertueux (la Vertu, monstruosité obsédante du monde moderne) sur les agissements des espions de la CIA, de la DGSE, du MI5, de je ne sais pas trop quoi, chez les Russes ou chez les Chinois, mais on ne peut pas nier que les Puissances ont besoin de mecs qui travaillent derrière l’écran des apparences. (suite…)

High sierra

samedi, avril 15th, 2023

Le bout de la nuit.

Le grand intérêt du film de Raoul Walsh est que, à rebours de la plupart des récits, il se densifie et s’approfondit au fur et à mesure qu’il progresse. D’ordinaire l’éclat des premières séquences tend à s’affadir et les derniers quarts d’heure sont assez souvent au mieux des fuligineuses tentatives pour courir vers la fin, au pire des catastrophes à la fois grotesques et mielleuses, toutes tendues vers la rassurante tranquillité du happy end. Et bien voilà que La grande évasion (assez mauvais titre, d’ailleurs, bien inférieur à l’original High sierra) devient plus intéressante et complexe au fur et à mesure de son déroulement. (suite…)

Inside job

mardi, avril 11th, 2023

L’Oncle Picsou gagne à tous les coups.

Je me demande encore comment, moi qui ne lis guère que des romans, j’ai découvert, en 1996, L’horreur économique, ouvrage de Viviane Forrester. Moins pour le grand succès de librairie que le livre a été (on ne m’appâte pas avec ces arguments), que par la force de son titre, issu d’une phrase d’Arthur Rimbaud. Que disait la dame, en gros ? J’emprunte ces mots à Wikipédia, dont l’article est bref mais exact : les discours habituels (…) masquent les signaux d’un monde réduit à n’être plus qu’économique (ou même pire : financier, virtuel). Et un peu plus loin : Escamoté le monde de l’entrepreneur au profit des multinationales, du libéralisme absolu, de la globalisation, de la mondialisation, de la déréglementation, de la virtualité. (suite…)

L’homme de la plaine

mercredi, avril 5th, 2023

On attend encore la cavalerie !

Je ne parviens pas à comprendre comment de distingués amateurs de cinéma, dont je ne mets nullement en cause la sincérité ni la bonne foi, peuvent trouver de l’intérêt et plus, même, de l’enthousiasme à la vision de ces histoires poussiéreuses aux scénarios minimaux, quelquefois infantiles et à la lenteur pesante. Les westerns de l’époque classique me semblent, à de rares exceptions près (La prisonnière du désert) toujours bâtis sur les mêmes schémas, avec les mêmes images, les mêmes paysages rugueux, les mêmes baraques de planches, les mêmes personnages sommaires, les mêmes femmes à poigne, les mêmes mélodies sirupeuses. Il a fallu les Italiens et Sam Peckinpah pour mettre un peu de vigueur dans cette tisane.

(suite…)

Breaking the wawes

lundi, avril 3rd, 2023

Humiliés et offensés.

On se demande bien pourquoi, comment, où donc se sont rencontrés la fragile Écossaise Bess McNeill (Emily Watson) et le robuste Suédois Jan Nyman (Stellan Skarsgård). Toujours est-il que la jeune fille qui n’a pas toute sa tête à elle et le franc buveur ouvrier sur une plateforme de recherche pétrolière se marient et s’aiment. Que Jan initie la vierge Bess aux merveilles de l’amour charnel ; que, pour autant – et c’est très bien ainsi – Bess ne voie pas dans le plaisir qu’elle éprouve la moindre contradiction avec les convictions sévères que la communauté religieuse (presbytérienne, il me semble) dont elle est membre, tout au nord des Hébrides, lui imposent et qu’elle accepte avec ferveur. (suite…)

Senso

vendredi, mars 31st, 2023

Jusqu’à la lie.

J’ai vu Senso en 1954 ou 1955, lorsque j’avais 7 ou 8 ans ; c’était beaucoup trop tôt, évidemment au regard de la complexité du film ; en tout cas depuis lors je ne l’avais pas revu. Je l’ai regardé aujourd’hui, avec mes yeux presque octogénaires, un peu plus frottés que jadis aux réalités des passions et des vies. Et même avec cela, je conserve mon point de vue, effaré, scandalisé, dégoûté devant cette complaisance pour l’avilissement d’une femme. Parce que mon fier petit cœur d’enfant avait ressenti, avec une indignation aussi puérile que justifiée, cette répugnance instinctive pour une histoire abjecte. Abjecte ? Oh là là, vous allez fort ! Abjecte, je maintiens. (suite…)

Partir

jeudi, mars 30th, 2023

Lèvres en feu, reins en chaleur.

Catherine Corsini, la réalisatrice de Partir, est de celles qui cochent toutes les cases de la bien-pensance : progressiste, immigrationniste, active soutien des délinquants sans-papiers, naturellement féministe et lesbienne et, non moins naturellement, soutien de l‘Insoumis majuscule Jean-Luc Mélenchon. Par ailleurs elle ne manque ni de soutiens financiers et critiques (c’est normal, avec un tel palmarès d’excellence virtuelle), ni de talents d’écriture et de réalisation. Talents qu’elle emploie à déconstruire, comme on dit, la structure traditionnelle de la société. Elle s’y était employée, en 1999 dans La nouvelle Ève, avec Karin Viard, ayant toutefois l’élémentaire honnêteté intellectuelle d’indiquer qu’elle n’avait rien de mieux à proposer, après la décomposition, que la douceur tranquille du traditionnel happy end amoureux (sur un champ de ruines, celui-là). (suite…)

Mon homme Godfrey

mardi, mars 28th, 2023

Charmantes panthères.

Le cinéma des années qui ont suivi la grande crise de 1929 – le cinéma qui, finalement, correspond à la grande expansion du parlant – est plutôt intéressant. Quelquefois ambigu, d’ailleurs. Doit-il inonder les écrans de féeries chatoyantes, dansées, musicales, présenter des monstres terrifiants c’est-à-dire tenter de faire oublier par des moyens antagoniques, mais nullement différents, en fin de compte, la réalité quotidienne de la crise et de la misère ? Doit-il – ce qui est plus subtil – faire surgir un bout de critique sociale ? Cela, bien sûr, sans appel révolutionnaire au renversement de la table et de l’écrasement des possédants ; car les États-Unis, terre de pionniers animés d’un rêve, n’ont jamais marché dans les billevesées égalitaires. En d’autres termes, mieux vaut la charité efficace que l’utopie révolutionnaire à la fois sauvage et inutile. (suite…)

La soupe au canard

dimanche, mars 26th, 2023

Au fin fond du gouffre.

Mais quelle nullité, quelle imposture, quel accablement ! Je ne vois rien, absolument rien à sauver dans cette Soupe au canard bien médiocrement préparée par Leo McCarey qui laisse pantois devant sa bêtise intrinsèque, son absence de tout ressort comique, par la moindre idée de mise en scène. Et qui recueille pourtant des hommages aussi déférents que ridicules des professionnels de la profession qui tiennent La soupe au canard pour le meilleur film de ces galopins de Marx brothers. Seigneur ! est-il possible de tenir ces trois (ou quatre) crétins pour le sommet de la production burlesque et de les encenser jusqu’à plus soif ? (suite…)

Inside man

samedi, mars 25th, 2023

Violence des échanges en milieu tempéré.

Comme c’est chichiteux, compliqué, en fin de compte torturé ! Quelle histoire idiote à peu près incompréhensible, où l’on se demande à chaque séquence à quoi elle peut aboutir ! Je suis certainement sévèrement atteint par les premières atteintes d’Alzheimer, mais je n’ai pas compris grand chose à cette histoire de bande qui vient commettre un casse dans une banque new-yorkaise, ne pique absolument rien sinon les preuves de la vénalité absolue du créateur de la banque, Arthur Case (Christopher Plummer) qui a fricoté avec les Allemands pendant la guerre et a ainsi bâti sa fortune. (suite…)