Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

La petite Lise

mardi, octobre 18th, 2022

La goualante des pauvres gens.

Le père de famille n’a pas été seulement le héros des temps modernes titre dont le décorait Charles Péguy. Je veux dire par là qu’il y a longtemps que ce pauvre bougre (dont je suis, ou plutôt, fus, mes petits étant devenus subrepticement grands) tire sa galère et subit sa géhenne. Tiens donc ! Ne vous rappelez-vous pas Le Roi Lear de notre ami Shakespeare avec les deux monstres Goneril et Regane ? puis Le père Goriot de notre autre ami Balzac, qui sacrifie ses sous, sa vie, sa santé pour ses deux pétasses de filles, Anastasie et Delphine ? Plus près de nous (mais ma recension n’était pas exclusive), David Golder de Julien Duvivier d’après un roman d’Irène Némirovsky ? La pesanteur de la condition de père. (suite…)

La route des Indes

samedi, octobre 15th, 2022

Vers l’Orient compliqué, sans idées simples.

L’habileté du film de David Lean ne réside pas simplement dans la beauté extrême des images, de leurs cadrages, de leurs couleurs, de ce grand spectacle qui eut tant de force et de puissance dans le cinéma de jadis, qui conviait le monde entier à admirer des films de grandes aventures exotiques ou historiques. Paysages grandioses, costumes superbes, figurants par milliers, fresques majestueuses, sentiments exaltés… David Lean était d’ailleurs un expert en la matière : moins de génie qu’espéré, mais une très grande habileté à tourner des grandes machines qui marquent : Le pont de la rivière KwaïLawrence d’ArabieLe docteur Jivago. Toujours de la belle ouvrage efficace et solide.

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Kramer contre Kramer

jeudi, octobre 13th, 2022

Autopsie d’un naufrage.

Kramer contre Kramer n’est pas un film déplaisant, ni même désagréable, mais il est tout de même un peu insuffisant pour bénéficier plus de quarante ans après sa sortie, d’une telle renommée et pour avoir récolté une pluie de récompenses et un très grand succès public. Sans doute la qualité de l’interprétation y est-elle pour grand chose, tant elle est exemplaire. En premier lieu Dustin Hoffman (Ted Kramer, le mari abandonné) mais aussi, peut-être surtout Justin Henry (Billy, le petit garçon) qui reçut pour son rôle l‘Oscar du second rôle, à l’âge de 8 ans, plus jeune acteur jamais distingué dans ce palmarès. Meryl Streep (Joanna Kramer, la mère), beaucoup moins présente à l’écran, d’ailleurs, est également excellente dans ce personnage de paumée un peu déséquilibrée, plutôt immature. (suite…)

La tente rouge

mardi, octobre 11th, 2022

Lorsqu’il y avait encore des aventuriers…

Il n’y a pas à dire, Neil Armstrong, le 21 juillet 1969, c’était formidable et nous avons été des millions à vibrer lorsque, pour la première fois On a marché sur la lune. Mais enfin, à y bien réfléchir, il n’était que le résultat, en quelque sorte agi d’un système merveilleusement organisé. En tout cas bien davantage qu’un rêveur, un peu ou énormément fou lancé à la poursuite d’une idée. Les grands explorateurs, les bourlingueurs de génie, les cinglés magnifiques qui traversaient des terres inconnues, qui sillonnaient les océans immenses sans assistance et sans cartes, les champions qui escaladaient les sommets les plus élevés du monde, tout cela n’existe plus. Il n’y a plus rien à découvrir, plus de Conquérants de l’inutile dont parlait le grand alpiniste Lionel Terray. (suite…)

Les affreux

samedi, octobre 8th, 2022

Le calculateur et le carburateur.

Marc Allégret était un honnête artisan du cinéma, qui, au contraire de son frère Yves,, n’avait pas d’autre ambition que de distraire son public, ce qui n’est déjà pas mal. À la fin des années Cinquante, sa carrière, honorable, (Entrée des artistesFélicie NanteuilBlanche Fury) commençait néanmoins à sérieusement faseyer. D’où, certainement, l’idée de la relancer de façon un peu originale en réunissant à l’écran deux personnalités à l’image absolument opposée, incarnant des personnages eux aussi tout à fait antagonistes. Après tout le genre a donné sinon de grandes réussites, du moins des films à succès. Et là aussi, ce n’est déjà pas mal. (suite…)

Braguino

mardi, octobre 4th, 2022

Dans un pays lointain…

Drôle de film, moyen métrage de 50 minutes, qu’on a du mal, d’emblée, à caractériser. On pense d’abord à un documentaire très original sur une contrée absolument perdue de la Sibérie centrale, bien au nord de Krassnoïarsk, guère loin du cours de l’Ienisseï. Des immensités de terres, dix fois grandes comme la France et peuplées comme un petit département. L’infinité plate de la taïga, immense forêt où se mêlent pins et mélèzes, bouleaux, saules et peupliers, tout cela au milieu de lacs, de rivières, d’étangs. Des centaines de kilomètres sans la moindre présence humaine. Un documentaire ? Non, pas vraiment : aussi, et surtout sans doute, une aventure. Celle que filme le réalisateur français Clément Cogitore, qu’il conte avec talent dans le supplément du DVD et dans le petit livret adjoint. (suite…)

Trouble every day

dimanche, octobre 2nd, 2022

Le goût de craie du sang.

On ne sait pas trop ce qu’il faut apprécier dans un film aussi singulier, choquant et bizarre. On se demande ce qu’il est réellement, ce qu’il apporte au cinéma ; on finit par se résoudre à apprécier ses circonvolutions sans être tout à fait dupe. D’autant plus qu’il est bien filmé, bien distribué et qu’il bénéficie d’un accompagnement musical tout à fait adapté, à la fois lourd, innocent et fatidique (je conçois parfaitement que ces trois adjectifs accolés paraissent contradictoires mais ils situent pourtant avec exactitude la recréation de l’atmosphère qui pèse sur Trouble every day). N’empêche qu’on y est assez mal à l’aise, du début à la fin et que le partis-pris de Claire Denis, la réalisatrice, d’expliquer le moins possible le déroulement de l’intrigue et le comportement des personnages ne va pas forcément dans le bon sens. (suite…)

À ma soeur

jeudi, septembre 29th, 2022

Le destin des petits boudins.

Voilà bien le premier film que je regardais de Catherine Breillat qui, par sa jactance et ses outrances avait naguère conquis une certaine position dans le cinéma d’auteur. Je ne conteste pas à la dame un réel talent de scénariste (Et vogue le navire, un des meilleurs films de Federico Fellini); mais je ne suis vraiment pas certain que j’aurai envie de découvrir toute la filmographie de la dame, qui me semble tellement obsédée par la sexualité qu’elle fait d’une activité extrêmement agréable le pilier central et pesant de la vie humaine. Sans doute est-ce son affaire et on ne peut pas le lui reprocher, mais elle me semble un peu similaire à Roger Peyrefitte, gracieux écrivain qui ne voyait les choses qu’à travers le prisme de sa pédérastie. Chacun sa croix !

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Carré de valets

jeudi, septembre 29th, 2022

Tout est possible.

Ai-je déjà vu un film plus idiot et plus insignifiant que ce Carré de valets du prolifique André Berthomieu ? Un réalisateur qui n’a pas tourné que des bêtises et qui a réussi, par exemple, un assez bon Mort en fuite en 1936, avec Jules Berry et Michel Simon ; mais un réalisateur de grande série voué au cinéma du samedi soir, c’est-à-dire à la facilité absolue, qui procurait au brave public des salles périphériques son content d’émotions, de battements de cœur et de grosse rigolade. Tout pour plaire, en quelque sorte : des acteurs un peu notoires, en tout cas bien reconnaissables (même si on ne se rappelait pas forcément leur nom), une intrigue assez facile à suivre et in fine, la retrouvaille des amoureux que le mauvais sort avait pu un instant dissocier. (suite…)

Le conformiste

samedi, septembre 24th, 2022

La fleur aux dents.

Je ne méconnais pas du tout les immenses qualités du Conformiste. Des acteurs (et donc une direction d’acteurs) remarquables, un Jean-Louis Trintignant qui interprète là, assurément, un de ses rôles les plus éclatants. Mais bien d’autres choses aussi : comme il y a eu beaucoup de moyens financiers, on n’a pas mégoté sur tout l’environnement : des costumes admirables de Gitt Magrini (qui en a réalisé tant et tant, notamment ceux de Peau d’âne de Jacques Demy), costumes féminins élégants, ondoyants, œuvres d’art presque à eux tout seuls. (suite…)