Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

La lettre inachevée

samedi, juin 4th, 2022

Héros de l’Union soviétique.

On n’est jamais indifférent devant un film de Mikhaïl Kalatozov. Il est vrai qu’il n’en a tourné qu’une douzaine et que bien peu ont été distribués en Occident. Jusqu’à présent je ne connaissais du cinéaste que son plus grand succès public, Quand passent les cigognes, qui fut Palme d’or à Cannes en 1958 et Soy Cuba de 1964. Deux œuvres admirables, au demeurant ; deux œuvres de propagande soviétique, aussi. Et alors ? L’arrière-plan des films, de tous les films n’a pas à pénaliser leur qualité artistique. Et j’ai dit exactement la même chose pour Le triomphe de la volonté de Leni Riefenstahl consacré à la célébration (le mot est juste) du Congrès national-socialiste de Nuremberg en 1934. (suite…)

Les sévices de Dracula

jeudi, juin 2nd, 2022

Aurait pu être davantage poivré.

Voilà un film qui peut séduire. Le scénario, notamment, est suffisamment élaboré pour captiver un peu les spectateurs de ce cinéma de genre, à qui il en faut beaucoup pour s’étonner. En effet, depuis que les amateurs d’histoires vampiriques fréquentent les trois sources les plus notoires du mythe, ils connaissent bien leurs grammaires habituelles. Trois sources, disais-je : la plus féconde est, à la suite de l’immense roman de Bram Stoker toutes les variations autour du comte Dracula ; la deuxième, qui s’appuie sur une certaine réalité historique, tourne autour de la comtesse Bathory, le Barbe-bleue féminin ; et donc la troisième (et en fait la plus anciennement écrite) est issue du court récit (90 pages dans le volume de La Pléiade) de Sheridan Le Fanu, la comtesse Mircalla Karnstein. (suite…)

Les oliviers de la justice

dimanche, mai 29th, 2022

« On n’a plus rien à faire ensemble ».

Très curieux film que Les oliviers de la justice. Très curieux et surtout très rare. D’abord que, sur l’un des drames les plus compliqués du dernier demi-siècle, le regard porté est celui d’un réalisateur né à Tulsa (Oklahoma) qui n’a pas laissé d’autre trace dans le cinéma. Puis parce que le film me semble bien seul de son genre… J’en dis un peu plus : des films sur l’aspect guerrier de la guerre d’Algérie, il y en a bon nombre. L’honneur d’un capitaine de Pierre Schœndœrffer (1982), Avoir vingt ans dans les Aurès de René Vautier (1972), R.A.S. d’Yves Boisset (1973) sur les combats, La bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo (1966) sur la terreur urbaine. Le combat dans l’île (1961) et L’insoumis (1964), l’un et l’autre d’Alain Cavalier sur les impasses de l’OAS. Et aussi Le coup de sirocco d’Alexandre Arcady (1979) sur le rugueux retour en métropole des rapatriés. Plus ou moins sciemment, j’en oublie beaucoup. L’Algérie est une blessure qui ne cicatrisera jamais pour ceux de ma génération. (suite…)

Millenium mambo

vendredi, mai 27th, 2022

Journal d’une jeune fille paumée.

Le meilleur film de son auteur, paraît-il. Qu’est-ce que les autres films de Hou Hsiao Hsien doivent être, alors, pour conjuguer une absence totale de récit, d’histoire, d’intrigue et un parti-pris d’images trop colorées, fatigantes à force de vouloir éblouir le spectateur et d’une pratique de filmage qui met en valeur des gros plans sans aucun intérêt et des ondoiements continuels, répétitifs, caricaturaux sur les personnages…

Personnages. Y en a-t-il, d’ailleurs ? (suite…)

La crise est finie

mercredi, mai 25th, 2022

Dans les coulisses.

Il me semble qu’il y a toujours, dans les histoires qui mettent en scène les gens de théâtre et de music-hall, la distillation d’une goutte d’amertume. Est-ce dû au regard condescendant que le 7ème art porte sur son très ancien prédécesseur ou plutôt sur la bizarre existence de groupes qui se sentent assez différents du sort commun, dont les espérances ont pu être folles, les succès démesurés et les écroulements spectaculaires ? Car les acteurs, même les plus effacés et les moins talentueux connaissent ou se rappellent avoir connu une vie très différente de celle d’un notaire ou d’un épicier de province. (suite…)

La vie miraculeuse de Thérèse Martin

lundi, mai 23rd, 2022

Trop sage illustration.

Julien Duvivier n’est jamais passé pour un homme expansif. Je ne crois pas qu’il se soit jamais confié sur ses opinions politiques ou sur ses convictions religieuses, s’il en avait. Comment cela ? allez-vous me dire, Oubliez-vous qu’il a réalisé les deux premiers Don Camillo qui donnent la part (très) belle au curé de Brescello, qui roule copieusement le maire communiste et qui a une sorte de dialogue direct avec le Christ ?. Certes, certes, mais le personnage est directement issu d’une série d’histoires écrites par Giovanni Guareschi dont l’engagement chrétien était affirmé. Et par ailleurs, l’avant-dernier film de Duvivier, un truc à sketches moyennement réussi, Le diable et les dix commandements est nimbé d’un petit parfum d’anticléricalisme ; cela bien qu’il présente, dans une de ses séquences, une intelligente vulgarisation sur la question du Mal et la mise en perspective de l’insaisissable Plan de Dieu (je cite sans vergogne ma critique sur le film). (suite…)

L’état sauvage

samedi, mai 21st, 2022

Drôle d’endroit pour une rencontre.

Je ne sais si on se souvient de L’État sauvage, roman de Georges Conchon qui a obtenu le Prix Goncourt en 1964 et a obtenu alors un très grand succès. Le roman passait alors pour une compilation progressiste des mythes iréniques et rayonnants de la décolonisation. C’était l’époque où l’on pensait que les pays qu’on avait jadis nommé sous-développés et qu’on appelait désormais en voie de développement (une voie que l’on attend toujours) allaient grâce à leur dynamisme et leur liberté prétendument recouvrée entrer, flamberge au vent, dans la grande aventure de l’Histoire. (suite…)

Beau travail

jeudi, mai 19th, 2022

Legio patria nostra

Si je m’arrêtais à la seule façon de filmer de Claire Denis, à son sens de l’image, aux singulières chorégraphies qu’elle met en scène dans Beau travail, je ferais monter bien plus haut mon appréciation. S’accrochant à la vie d’une petite unité de la glorieuse 13ème Demi-brigade de la Légion étrangère alors stationnée à Djibouti, le regard se pose avec talent à la fois sur l’extrême exotisme aride de la contrée et sur l’entraînement quotidien des légionnaires. On pourrait se croire, au début, dans un de ces reportages qui présentent les performances magnifiques de ces soldats d’élite ; et ceci sans la mise en valeur des histoires individuelles et des commentaires empathiques des soirées télévisées. (suite…)

Femmes de personne

lundi, mai 16th, 2022

Le deuxième sexe.

Sujet britannique qui a, je crois, effectué toute sa carrière en France,  Christopher Frank est un étrange personnage. Tour à tour – ou simultanément – romancier, scénariste, dialoguiste, réalisateur. Multiples talents, multiples dons mis au service d’une certaine fascination pour le monde mystérieux des femmes. En tout cas pour le mystère que présente, pour les hommes qui s’y intéressent, la façon de penser de l’autre partie de l’humanité. L’humoriste Jean Amadou disait, de façon plaisante et évidemment parcellaire Les femmes, il faut les aimer ou essayer de les comprendre. Aucun homme n’a une espérance de vie assez longue pour faire les deux. On a fait des gloses aussi sur l’aphorisme selon quoi Les femmes de Vénus, les hommes de Mars et autres interrogations. (suite…)

Comme le temps passe…

dimanche, mai 15th, 2022

Le vert paradis.

Il n’est sans doute pas abusif d’écrire que si le malheureux André Chénier n’avait pas été guillotiné le 25 juillet 1794, à l’âge de 31 ans, il n’intéresserait plus guère que les spécialistes universitaires de la poésie pré-romantique. Et il n’est pas plus excessif de penser que si Robert Brasillach n’avait pas été fusillé le 6 février 1945, à 35 ans, on n’en parlerait plus du tout, alors que ce doux jeune homme élégiaque comme l’avait baptisé je ne sais plus qui, auteur avec son beau-frère d’une excellente Histoire du cinéma, ne manquait pas de talent. (suite…)