Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Paris mange son pain

jeudi, juillet 22nd, 2021

Pluie tranquille.

Ah vraiment Jacques Prévert ne s’est pas foulé, ne s’est pas cassé la bobinette pour écrire le commentaire de ce court métrage (17 minutes) de son frère Pierre ! Cette suite de jolies vignettes nostalgiques sur le Paris enfui de 1958 aurait d’ailleurs gagné à se dérouler sans texte. Car celui du Grand poète Jacques Prévert n’est ni spirituel, ni subtil, ni poétique : on sent l’exercice obligé , pour faire plaisir au petit frère moins doué. Et d’ailleurs Germaine Montero, qui dit le texte, a bien du mérite pour le coller au mieux sur des images charmantes. (suite…)

Benedetta

jeudi, juillet 22nd, 2021

Mic-mac à tire-larigot.

On sait bien que Paul Verhoeven est un réalisateur qui ne fait pas dans la dentelle et qu’il emploie même souvent de la paille de fer à la place. Avec Benedetta il va encore bien plus loin que dans ses derniers films, Black Book ou Elle qui, en comparaison, pourraient presque paraître compassés. Mais c’est souvent en perdant la mesure que des cinéastes comme lui – tout sauf classiques et mesurés, donc, mais outranciers et brutaux – parviennent à laisser demeurer une trace dans le paysage très formaté du cinéma d’aujourd’hui. Oui, oui, tout ce que l’on veut, il y a dans les films de Verhoeven beaucoup de mauvais goût, souvent trop, mais au moins il y a du goût : on reconnaît et on aime (ou non).

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Un été inoubliable

mardi, juillet 20th, 2021

Les dieux ont soif.

Au sud-est de l’Europe, ces Balkans où les peuples sont mélangés dans un chaudron de sorcière bouillant, où les guerres sont féroces, les frontières toujours bouleversées, la sauvagerie à peine dissimulée. À côté des Slaves du Sud (Yougo-slaves et Bulgares), il y a les Roumains, qui sont des Latins. Et qui ne sont pas les Gitans, qui ont compris la bonne affaire qu’était l’Union (ah ah ah !) européenne, viennent mendier ou se prostituer ou voler du cuivre en Occident et repartent en bénéficiant de l’aide au retour. La Roumanie, avant la nuit communiste, c’était Bucarest, la capitale, qu’on appelait Le petit Paris, de grands écrivains, Eugène Ionesco ou Émile Cioran, de grandes familles francophiles et francophones, les Brancovan (Anna de Noailles était une Brancovan), les Soutzo (Hélène, femme de Paul Morand), les Cantacuzène, les Paléologue… (suite…)

Sexcrimes

samedi, juillet 17th, 2021

Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette…

Les débuts du film (les 52 premières minutes exactement) me rappellent quelque chose : un type qui est dans l’enseignement et qui résiste à l’appel énamouré d’une oiselle se fait accuser par elle de harcèlement et de viol et il lui est bien difficile de se défendre. C’est à peu près la situation mise en scène par André Cayatte en 1967 dans Les risques du métier, avec Jacques Brel et Delphine Desyeux et par Jean-Claude Brisseau en 1989 dans Noce blanche, avec Bruno Crémer et Vanessa Paradis. (suite…)

Mélodie pour un meurtre

samedi, juillet 17th, 2021

Le diable est dans la bouteille.

Voilà un bon film de série étasunien, qui, malgré un sombre récit, ne brille que modérément par son originalité, mais qui a suffisamment de souffle pour intéresser le spectateur moyen. Peu d’originalité, dis-je, parce qu’il faut être d’une grande naïveté pour ne pas comprendre assez vite que la coupable évidente n’est en fait que la pauvre victime de la méchanceté possessive de son ex-mari. Et aussi, avant tout, que le policier acharné à poursuivre le criminel – la criminelle – qui massacre les chauds lapins dotés d’une plume romanesque et salace qui vont chercher leurs proies dans les colonnes de petites annonces de la presse du cœur, que ce policier, donc, va tomber frappadingue de sa présumée proie.

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Enter the void

samedi, juillet 10th, 2021

Trou noir psychédélique.

Je trouve bien dommage – et finalement assez exaspérant – qu’un cinéaste aussi doué et aussi intelligent que Gaspar Noé ne veuille pas se rendre compte que ses grandes qualités ont des limites et que sa façon de réaliser des films crispants, désagréables, désespérants aboutisse, à la longue, non pas à déranger le spectateur, mais à le laisser en fin de compte plutôt goguenard. La provocation pour le seul plaisir de la provocation, l’hermétisme des scénarios, les bouleversements temporels, les survenues d’images hypnotiques, les éblouissements visuels, le recours systématique à des séquences pornographiques finissent par constituer une sorte de marque de fabrique ; qui, comme toutes les marques répétitives, parvient à ne plus surprendre et à ne plus du tout intéresser. (suite…)

Coiffeur pour dames

mercredi, juillet 7th, 2021

Méfiez-vous des blondes (et des brunes et des rousses, etc.)

Ce n’est pas aussi mauvais, loin de là, que je me l’imaginais ; c’est même quelquefois assez plaisant, sans doute grâce à la qualité structurelle de la pièce de théâtre dont le film est adapté, qui a donné lieu à une première adaptation réalisée par René Guissart en 1935, avec Fernand Gravey à la place de Fernandel. Grâce aussi à la belle ouvrage habituelle aux films d’antan, leurs seconds (troisièmes, quatrièmes) rôles qui les irriguent et les illuminent. On ne dira jamais assez que ce qui fait l’épaisseur de la distribution d’un film, c’est moins, bien moins les vedettes que les artisans de l’ombre qui animent, au second plan, la pellicule.

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Ibiza

lundi, juillet 5th, 2021

Soporifique.

Je gage que France 2 a encore davantage ressenti, les derniers temps, le complexe d’infériorité que la télévision dite de service public (tu parles !) nourrit envers sa plus riche concurrente, fleuron du groupe Bouygues et du capitalisme décérébrant. TF1 programmant régulièrement, les dimanches soirs, les plus épouvantables succès de la bêtise franchouillarde et se taillant la part du lion avec les pitreries de Franck Dubosc et de ses épigones, la deuxième chaîne, en une manœuvre d’une audace inouïe, a mis habilement en place, hier soir, un film du même genre.

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La crise

dimanche, juillet 4th, 2021

Toute une époque !

C’est très bien, La crise, c’est très bien surtout (et d’ailleurs exclusivement) à son début, lorsque le pauvre Victor (Vincent Lindon) constate, effaré, qu’autour de lui tout s’effondre : il a perdu sa femme, qui s’est enfuie on ne sait où, il a perdu son boulot, parce que le capitalisme ne fait pas dans la dentelle et comporte une logique rationnelle glaçante. Et il verra vite, dans un mouvement bien tourné et bien mis en scène, que tout le monde se fiche complétement de ce qui lui arrive, qu’il n’a aucune importance pour quiconque, y compris (et combien !) pour ceux qui se disaient ses proches ou ses amis. On est seul et comme le dit Montherlant (dans Le chaos et la nuitNul ne comprend bien sa situation tant qu’il n’a pas compris que, hormis un ou deux êtres, personne ne s’intéresse à ce qu’il vive ou à ce qu’il meure. (suite…)

Les saisons du cœur

mardi, juin 29th, 2021

La case de l’Oncle Moses et de l’Oncle Will.

Les premières images du film me rappellent quelque chose : non pas un lieu ou une situation, mais une atmosphère. Nous sommes à Waxahachie, au Nord-Est de l’État du Texas. Coin plat et poussiéreux ; une petite ville qui doit avoir cinq ou dix mille habitants ; coexistence de Blancs et de Noirs qui partagent une même religiosité bien qu’ils ne fréquentent évidemment pas les mêmes édifices ; ségrégation bien ancrée dans toutes les têtes, comme une donnée de nature. Nous sommes en 1935, c’est-à-dire au pic de la crise qui secoue les États-Unis et une bonne partie du monde depuis 1929.  (suite…)