Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Les espions

mercredi, février 24th, 2021

À dormir debout.

Quelle drôle d’idée a eu Fritz Lang de tourner ces Espions, à l’intrigue interminable et confuse, six ans après Le Docteur Mabuse reprenant un canevas un peu similaire : un génie du crime et épouvantable malfaiteur ? Sa compagne d’alors, Thea von Harbou avait adapté le second film d’un roman de Norbert Jacques qui créait un personnage maléfique à longue postérité (Le testament du docteur Mabuse en 1933, Le diabolique docteur Mabuse en 1960) qui avait une petite substance (bien inférieure toutefois à celle de Fantômas). On peut supposer que Thea von Harbou a voulu aller jouer dans cette cour sinistre des malfaisants d’anthologie, puisque c’est elle qui a écrit le roman Spione et l’a adapté pour l’écran. Mais son Haghi n’a pas d’intérêt. (suite…)

Carillons sans joie

samedi, février 20th, 2021

Réussir sa mort.

Dans une époque où le dénigrement de la France est presque devenu un sport national pour des gens qui pourraient parfaitement aller voir ailleurs si c’est mieux, il est bien agréable de découvrir un film solide et bien ancré dans la fierté nationale et l’héroïsme sans jactance. Carillons sans joie n’a pas d’autre qualité que de rappeler à ceux qui regardent ce film, unique réalisation de Charles Brabant, que les Français, écrasés par la défaite de 40, ont su, souvent et partout dans le monde, montrer qu’ils pouvaient relever la tête et entrer sans crainte dans la fournaise. La sublime Armée des ombres le montre avec la résistance intérieure, Paris brûle-t-il ? dans le grand mouvement de la Libération. Un taxi pour Tobrouk montre l’action des Forces françaises libres dans ce curieux combat pour la domination de l’Afrique du Nord, région stratégique parce qu’elle est un des chemins du pétrole et parce qu’elle est très proche des chemins d’invasion de l’Europe centrale où la Bête s’est établie.

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Mark Dixon, détective

jeudi, février 18th, 2021

Vibration nocturne.

On peut dire sans guère de crainte de se tromper que la plus mauvaise idée du film d’Otto Preminger, c’est son titre. Le titre français, Mark Dixon, détective est d’une grande platitude et n’ouvre pas la porte à la moindre curiosité. Le titre anglais original, Where the Sidewalk Ends, c’est-à-dire, si le traducteur Google est pertinent Là où le trottoir se termine est, à rebours, d’une singularité qui confine au mystère ; et qui, en tout cas, n’oriente en rien le spectateur ; j’en suis d’ailleurs toujours à me demander ce qu’il veut dire et en quoi il souligne l’intéressante histoire relatée. (suite…)

Les tueurs de la lune de miel

mardi, février 16th, 2021

Les amoureux sont seuls au monde.

L’atmosphère du film est tout de suite malsaine et agressive, aigre et violente. Martha Beck (Shirley Stoler), infirmière en chef dans un service d’un grand hôpital surprend deux de ses agents, un homme et une femme qui viennent de se donner du bon temps et, furieuse, elle les congédie. Martha est grasse, boulimique, seule et frustrée. Chez elle il y a sa mère, impotente et idiote (Dortha Duckworth) que garde une amie cancanière, Bunny (Doris Roberts) pendant les absences de l’infirmière. Bunny a fait adresser à Martha, sans lui en parler, le prospectus d’une agence matrimoniale. Elle va, après un peu de réticences, accepter de s’inscrire. Et bientôt elle reçoit les lettres, de plus en plus brûlantes de Raymond Fernandez (Tony Lo Bianco). Tout cela est tourné en caméra portée, avec un montage rapide, des gros plans, des images sales. (suite…)

La meilleure façon de marcher

vendredi, février 12th, 2021

Le secret derrière la porte.

À peine me souvenais-je avoir vu ça jadis, avant de découvrir les deux grands films de Claude Miller, qui sont Garde à vue et Mortelle randonnée. Je sais bien que tout ce qui touche à la courte et inquiétante carrière de Patrick Dewaere est nimbé aujourd’hui d’un sceau d’étrangeté et que certains de ses admirateurs font de la moindre de ses interprétations l‘ultima ratio de la qualité cinématographique. Je ne dis pas, d’ailleurs, qu’ils ont tort : il y avait un tel naturel, une telle aisance dans le jeu du jeune acteur, un tel décalage avec la plupart des comédiens de son époque, une telle faculté d’être identifié, reconnu, admiré que l’on peut tout à fait comprendre la tristesse de ceux qui se sont toujours désespérés de son suicide. (suite…)

Le guérisseur

lundi, février 8th, 2021

Fluide glacial.

Inépuisable veine des récits, films, feuilletons à tonalité médicale. À dire vrai, il est beaucoup plus facile d’intéresser tout le monde au sort physique que chacun connaît qu’à des histoires de spéculation sur les taux usuraires : nous sommes tous, évidemment, à un moment ou un autre confrontés à la maladie et à la mort et nous connaissons tous ses mille et dix mille tracas, soucis ou drames qui ponctuent l’existence et qui finissent par constituer le plus clair des préoccupations des vieillards (dont je suis). Donc immense fertilité du genre au cinéma et large palette des sujets traités ; comme ça, de chic, je lance Le cas du docteur Laurent de Jean-Paul Le Chanois sur l’accouchement sans douleur ou le Journal d’une femme en blanc de Claude Autant-Lara sur la contraception. (suite…)

L’affaire du collier de la Reine

jeudi, février 4th, 2021

Des perles aux pourceaux.

Non, non, la vérité historique est à peu près respectée, semble-t-il (avec toutes les réserves, les ambiguïtés, les failles, les partis-pris que ce terme de vérité peut contenir, dès qu’il s’agit d’Histoire) et, à mes yeux, la distribution est magnifique. Viviane Romance au premier chef, l’aventurière vénéneuse et catastrophique Comtesse de La Motte. Et comment se fait-il que cette actrice magnifique, qui était belle, bourrée de talent, séduisante, tentatrice toujours troublante ait vu sa carrière décapitée, ou presque, au lendemain de la guerre, alors même que son talent demeurait aussi exemplaire : Panique de Julien Duvivier en 1946, L’affaire des poisons d’Henri Decoin en 1955 et, comme un clin d’œil ironique du destin, une apparition fugace, aux côtés de Jean Gabin dans la délicieuse Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil en 1962.

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Les nuits de Cabiria

mardi, février 2nd, 2021

Le bout de la route.

Ma perpétuelle valse-hésitation devant le cinéma de Federico Fellini ; je commence tout de même en avoir regardé un peu (la moitié d’une œuvre finalement assez courte : une vingtaine de films), je ne suis jamais descendu jusqu’aux abysses, je ne suis jamais monté jusqu’au chef-d’œuvre. Ce que j’ai vu de pire, jusqu’à présent, c’est Le cheik blanc et Juliette des esprits ; ce que j’ai vu de mieux, c’est La dolce vita et Et vogue le navire. Et voilà que Les nuits de Cabiria ne vont pas augmenter la moyenne, puisque je les note, précisément, exactement à la moyenne. Et cela surtout grâce au jeu lunaire et lumineux (parallèle amusant) de Giulietta Masina, qui, d’ailleurs, reçut à l’occasion une kyrielle de prix et distinctions. (suite…)

In the cut

dimanche, janvier 31st, 2021

La jeune femme et la mort.

Je ne saurais sûrement pas rationnellement expliquer pourquoi il me semble que In the cut est un film de femme fait pour les femmes et même presque féministe. J’enfoncerais des portes ouvertes en rappelant que la réalisatrice est Jane Campion, que l’actrice principale, l’héroïne est Meg Ryan et que le second rôle (et demi) est tenu par Jennifer Jason Leigh ; je serais un peu davantage hardi en remarquant que la sexualité plutôt brutale de cette héroïne va plutôt dans le sens de celles qui pensent que les hommes ne savent pas bien montrer l’érotisme féminin, la vague déferlante du désir féminin, possiblement survenu après des années de frustration.

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Une ravissante idiote

mercredi, janvier 27th, 2021

La compagnie des lapins bleus.

En 1964, Brigitte Bardot était au sommet d’une gloire planétaire et avait même presque prouvé qu’elle pouvait presque avoir du talent, avec La vérité ou Vie privéeAnthony Perkins connaissait lui aussi un immense succès, après PsychoseAimez-vous BrahmsLe procès. Et le réalisateur Édouard Molinaro commençait doucement à se faire un nom. Il y avait aussi, disponibles sur le marché, de grands talents de second rang, André LuguetGrégoire AslanJacques MonodHans Verner ; et, charmantes chacune dans leur genre, Hélène Dieudonné du côté vieille dame, Denise Provence, du côté quadragénaire sexy.

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