Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Juliette des esprits

vendredi, décembre 11th, 2020

Le grillon du foyer et la folle du logis.

Il ne faut pas être grand clerc pour se rendre compte que dans Juliette des espritsFederico Fellini a souhaité – est-ce une galanterie ou un investissement potentiellement rentable ? – effectuer, du côté féminin ce qu’il avait ambitionné de faire, du côté masculin, dans 8 1/2. Et, dans le commentaire bien trop bref du film en DVD, Jean Collet, grand spécialiste du réalisateur, le confirme. Les souvenirs, les rêves, les fantasmes, les angoisses, les espérances, les déceptions, les tristesses, les accablements, les dégoûts, les fascinations, tout cela qui fait la matrice de l’inconscient, si on peut les mettre en scène pour soi, on peut tenter de faire la pareille avec l’être qu’on est censé le mieux connaître, sa femme. (suite…)

Le don d’Adèle

mardi, décembre 8th, 2020

Concours d’allitérations.

Ah vraiment ce n’est pas terrible et c’est même extrêmement ennuyeux, cette transposition par l’ingénieux Émile Couzinet d’une pièce à succès créée en 1949 de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy, prolifiques auteurs de théâtre de boulevard. On peut se méfier beaucoup de ces transpositions-là parce que – je l’ai écrit vingt fois – ce qui marche assez bien dans l’atmosphère surchauffée de la salle et dans les tempêtes de rires qui s’enflent d’elles-mêmes, par leur propre mouvement, si l’on peut dire, n’a pas le même impact comique sur l’écran. Peu amateur de la scène, je n’ai pas vu en présentiel (comme on dit aujourd’hui !) les grands succès des deux auteurs ; mais le passage à l’écran d‘Ami-ami, devenu Les femmes sont marrantes sous la houlette d’André Hunebelle en 1958 ou de Potiche de François Ozon en 2010 ne m’a pas convaincu ; et il paraît que Fleur de cactus a été adapté aux États-Unis par un certain Gene Saks en 1969 avec (mais si, c’est possible !) Ingrid Bergman.

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Bagdad café

samedi, décembre 5th, 2020

La bonne fée dans le désert enchanté

Drôle de petit miracle, Bagdad café… Comment un réalisateur allemand absolument inconnu a-t-il pu accéder de façon très éclatante à la grande notoriété mondiale avant de replonger presque immédiatement ensuite dans l’obscurité ? Un film tourné dans les déserts du sud-ouest des États-Unis sans aucun autre acteur notoire que Jack Palance qui n’était plus, depuis longtemps, au devant de la scène ; un film dont les deux principales actrices féminines, l’une et l’autre de grande qualité, Marianne Sägebrecht, l’Allemande et CCH Pounder, la Noire étasunienne et où il ne se passe que si peu… Percy Adlon ne s’était jusque là signalé que par un film très très confidentiel, Céleste, adapté des brèves mémoires de Céleste Albaret, la servante-gouvernante des dernières années de la vie de Marcel Proust. À la suite du succès rencontré par Bagdad café, je note un ignoré (de moi, en tout cas) Rosalie fait ses courses. Puis il est paisiblement (j’espère) retourné vers la Germanie et la télévision. (suite…)

L’été en pente douce

jeudi, décembre 3rd, 2020

Belle fille, tristes villages…

Il n’y a pas beaucoup de rapports entre tout ça, mais tout de même en revoyant L’été en pente douce, plusieurs films me sont venus en tête, au hasard des images et au hasard des séquences. Un peu de Canicule d’Yves Boisset, pour le côté sordide, en beaucoup moins violent, toutefois. Un peu de 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix pour la survenue de la belle fille qui perturbe les équilibres masculins. Un peu de L’été meurtrier de Jean Becker pour la même raison et aussi par ce regard plongé sur les périphéries, sur la province profonde. Un peu de Sans toit ni loi d’Agnès Varda parce que le film se passe dans une contrée moche, plate, ennuyeuse, le Mauvais Midi, comme nous autres Provençaux l’appelons. Rien à voir ou peu à voir entre les intrigues, les personnages, les histoires. Rien à voir. Un seul rapport : l’époque. La décennie où tous ces films ont été tournés. (suite…)

L.A. Confidential

mardi, décembre 1st, 2020

Pourquoi me tues-tu ?

Je n’ai jamais lu la moindre ligne d’un roman de James Ellroy. Et si je m’étais rendu compte que L.A. Confidential était issu de la même plume que Le dahlia noir, j’aurais sans doute tourné mon regard ailleurs. Et ceci tant l’idée de regarder des histoires policières californiennes, qui sont à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de ma réalité et de mon imaginaire n’a rien pour me séduire. Le dahlia noir de  Brian De Palma m’avait semblé un tel compendium de complications incompréhensibles et de machinations ennuyeuses que j’aurais craint que L.A. Confidential fût bâti du même impeccable sérieux ennuyeux anglo-saxon si j’avais appris avant de regarder le film que l’auteur était ce fameux Ellroy. Cela dit et selon les meilleurs avis, l’adaptation tournée par Curtis Hanson est beaucoup plus limpide que celle de Brian De Palma et le film bien meilleur. (suite…)

La nuit de tous les mystères

samedi, novembre 28th, 2020

Murder party.

Voici un résumé assez clair : un milliardaire excentrique convie cinq protagonistes à passer une nuit entière dans une maison hantée. Les survivants recevront chacun la somme de 10000 dollars. Les invités ont tous une raison évidente d’accepter cette invitation incongrue et singulière : chacun a un grand besoin de recevoir la récompense promise : dépendance au jeu (la journaliste Ruth Bridgers – Julie Mitchum), nécessité d’aider sa famille (la jeune fille méritante Nora Manning – Carolyn Craig), simple goût du lucre (le pilote d’essai Lance Schroeder –Richard Long), envie prétendue d’une expérience intéressante (le psychiatre David Trent –Alan Marshal). (suite…)

Jusqu’au dernier

vendredi, novembre 27th, 2020

Le crime ne paie pas. Du tout.

Bonne surprise que la découverte inopinée de ce bon agréable polar efficace, tourné par le bien oublié Pierre Billon. À dire vrai, je suis presque certain que c’était là le premier film que je voyais d’un réalisateur dont un des rares titres de notoriété est d’avoir mis en scène, en 1946, L’homme au chapeau rond, dernier film interprété par Raimu, adapté de L’éternel mari de Dostoïevski. Mais sinon, d’une honnête filmographie d’une bonne trentaine de films, dont certains ont paraît-il eu un certain succès public, rien ne surnageait. (suite…)

Amarcord

mercredi, novembre 25th, 2020

Itinéraire d’un enfant gâté.

Faut-il en énoncer l’évidence ? La mémoire est une féerie monstrueuse et somptueuse. Il suffit de la laisser aller en vagabondage, puis de la solliciter un peu pour en voir surgir des mots, des traits, des scènes, des visages qu’on s’imaginait avoir oubliés et qui ne demandent pas mieux que venir s’installer au devant de la scène. Pour la comédie que l’on joue à soi-même et que l’on peut appeler aussi, tout simplement la vie. Nous sommes si riches, si secrets à nous-mêmes, tant de sources bouillonnent en nous et il y a tant de routes, de chemins, d’allées et de sentiers qui s’ouvrent à chaque instant devant nos pas que le fait de s’égarer dans l’un ou l’autre n’a rien qui doive surprendre beaucoup écrit Marcel Aymé dans Uranus (un livre qui vaut bien mieux que le film qui en a été tiré par le médiocre Claude Berri). (suite…)

Berlingot et Compagnie

dimanche, novembre 22nd, 2020

Encalminés dans la mélasse.

Si un bon connaisseur du cinéma français d’antan me cite dans la conversation les noms de Fernandel et de Charpin en les liant, je vais sans doute engager le dialogue en évoquant le merveilleux Schpountz de Marcel Pagnol où ces deux grands acteurs interprètent certaines des scènes les plus remarquables, les plus drôles, les plus émouvantes qui se puissent ; si on me pousse un peu dans mes retranchements, je citerai aussi La fille du puisatier du même auteur où, derrière l’ombre immense de Raimu, l’un et l’autre tiennent solidement les seconds rôles. Et si on me traque jusqu’au bout, je pourrai même trouver au fin fond de ma mémoire Ignace de Pierre Colombier, qui n’est pas un film déplaisant dans le genre. (suite…)

Talons aiguilles

jeudi, novembre 19th, 2020

La leçon d’anatomie.

Chaque fois que je regarde un film de Pedro Almodovar, je me dis que ce n’est pas mal, que les actrices sont bien photographiées, qu’elle baignent dans des océans de couleurs bien disposées, qu’il y a du rythme, de la fantaisie. Et j’étais à deux doigts d’écrire avec bienveillance de l’originalité. Mais parallèlement, dans mon cortex profond (ce qu’il en demeure, en tout cas), il y a un diablotin narquois qui me susurre : Tu ne penses pas plutôt que c’est toujours le même film, ressassé jusqu’à plus soif ? Et c’est bien sûr ce diablotin qui a de la mémoire et qui a parfaitement raison. (suite…)