Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Trois jours de bringue à Paris

mardi, novembre 17th, 2020

Les mystères de La Ferté sous Jouarre.

Lorsque qu’on découvre en têtes d’affiche d’un film français de 1954 les noms de Lucien BarouxPierre LarqueyArmand Bernard, on est bien fondé à penser qu’on ne va pas s’émerveiller devant un chef-d’œuvre immarcescible. Et on n’est pas plus rassuré en voyant surgir en deuxième rideau Georges BeverFélix OudartRaymond Cordy ou, chez les dames, Milly Mathis.Mais tout cela s’arrange lorsqu’on sait que l’immortel Émile Couzinet, le Titan du nanard est le producteur/réalisateur/scénariste. L’auteur du grandiose Congrès des belles-mères et dont je me propose de regarder prochainement La famille Cucuroux ou, si je parviens à le trouver, Mon curé champion du régiment. Et qu’on ne vienne pas me dire que Michelangelo Antonioni a davantage de talent : ça reste à prouver.

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New York-Miami

lundi, novembre 16th, 2020

Pauvre petite fille riche.

On se demande bien pourquoi le film s’appelle New York-Miami et non pas Miami-New York puisque l’action du film remonte vers le nord à partir de la Floride dans une sorte de pérégrination pétillante, pleine de vivacité, mais comme ce mystère n’est pas près d’être résolu, on s’en contente. Et on a plaisir à découvrir un film amusant, charmant, enlevé dont on voit bien d’emblée sur quoi il se dirige, mais dont les péripéties sont bien amenées. De là à s’extasier de ce qu’il ait reçu cinq Oscars (je dis ça pour ceux qui sont impressionnés pour ces bibelots d’inanité sonore), il faut tout de même mettre la pédale un peu plus douce. C’est bien, mais ce n’est pas très bien et c’est tellement prévisible, dès le premier instant qu’on ne peut pas crier à l’excellence. (suite…)

Les Nibelungen : la vengeance de Kriemhild

lundi, novembre 16th, 2020

Tristes tropiques.

On ne va pas dénier à Fritz Lang un sens imposant de l’épopée et de l’image. L’ambition de réaliser une fresque, en s’appuyant sur de vieilles légendes germaniques remises au devant de la scène par Richard Wagner est de noble propos, les moyens mis en œuvre sont imposants, la théâtralité du récit est impeccable. Ajoutons que – pour un film de 1924 – la restauration filmique a été très honorable et que la musique de Gottfried Huppertz, qui s’enroule autour de plusieurs thèmes de Wagner, précisément, s’adapte particulièrement bien à ce long récit. Un questionnement, toutefois : faut-il penser que cette musique était, à chaque représentation, jouée par un orchestre spécifique (puisqu’il n’y avait pas encore de piste sonore sur les pellicules) ? Ou, comme dans la plupart des films un pianiste isolé tentait-il d’accorder son jeu aux séquences ? Ou enfin que la musique a été ajoutée, grâce à je ne sais quel subterfuge technique au film dès que le cinéma est devenu parlant, vers 1930 ? Je serais preneur de toute information là-dessus. (suite…)

Les Nibelungen 1 : la mort de Siegfried

vendredi, novembre 13th, 2020

La marche sur Worms.

Voilà que je m’attaque à un monument imposant dont la première partie dure 2 heures 20, (la seconde presque autant), qui est un film de 1924 – donc muet – et qui relate de vieilles légendes germaniques, de cette Germanie sombre et violente dont je me méfie beaucoup plus que du coronavirus, parce qu’elle est malheureusement beaucoup plus durable. Un film dont toutes les séquences sont de longueur excessive, dilatées au maximum, alors même que le récit mis en scène pourrait tenir sur un ticket de métro (ceux-ci devant disparaître à court terme, mon allusion ne sera pas comprise bien longtemps : tant pis !).

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Easy rider

jeudi, novembre 12th, 2020

L’Amérique insolite.

Voici un film qui existe et subsiste dans les mémoires moins par ce qu’il montre que par ce qu’il est : une sorte de manifeste libertarien, un pied de nez aux conformismes et aux clacissismes de toute nature, une sorte d’évasion un peu dingue dans d’immenses paysages, dans des couchers de soleil somptueux, dans des histoires de rencontres sans lendemain, dans une indifférence au monde traditionnel. Voilà un film qui a représenté et, d’une certaine façon, fasciné toute une génération. Voilà que notre génération bénie du baby-boom rencontrait après les fleurs des hippies, les grosses motos des routards, leur individualisme exacerbé et pourtant indolent, surtout peut-être leur indifférence aux lendemains ; pas la moindre bribe d’envie de révolution, dans Easy rider : on vit comme on veut et on se fiche du reste du monde. D’ailleurs, ce qui peut étonner beaucoup nos esprits cartésiens et amateurs de cases bien rangées, Dennis Hopper était un fervent partisan des Républicains et aurait sans doute voté pour Donald Trump s’il n’était mort en 2010. (suite…)

Et Satan conduit le bal

mardi, novembre 10th, 2020

Tableau des mœurs du temps.

Et voilà, pêché tout à fait par hasard et signé par un parfait inconnu, Grisha Dabat, qui n’a d’ailleurs jamais rien tourné d’autre, un film qui n’est pas déplaisant. Et qui pourtant paraît un peu copier d’une certaine manière une veine – assez française au demeurant – d’indolences estivales, d’ennui au soleil, de marivaudages cruels, de dérives des couples, de parasitismes inquiets. On sent que l’esprit des premiers romans de Françoise Sagan est passé par là (à moins qu’on puisse dire, ce qui n’est sûrement pas faux, que Sagan ne faisait que retranscrire, avec un talent fou, ce qui était dans l’air du temps). Un temps qui s’achèvera peut-être avec La collectionneuse d’Éric Rohmer en 1967. Mais deux ans avant Et Satan conduit le bal, le fondateur (un des fondateurs) des Cahiers du cinémaJacques Doniol-Valcroze réalisait le conte assez cruel L’eau à la bouche.

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Les atouts de Monsieur Wens

lundi, novembre 9th, 2020

Les bas de soie qui tuent.

Le nom de Stanislas-André Steeman devrait être révéré beaucoup plus qu’il ne l’est par les amateurs de cinéma, parce que, derrière le génial et inatteignable Georges Simenon, il a été un des plus excellents pourvoyeurs d’histoires à tonalité policière qui se puisse. Et donc que beaucoup d’adaptateurs, de scénaristes, de metteurs en scène se sont jetés sur ses romans nourris d’histoires policières ingénieuses et intelligentes. Mais comme toujours dans le genre, au cinéma, c’est bien moins la qualité du récit ou son originalité qui fait pièce que la patte du réalisateur qui rend – ou non – l’histoire passionnante et le film de haut niveau. (suite…)

Blow-up

dimanche, novembre 8th, 2020

Fragments d’un cauchemar.

Lorsque j’ai vu le film, sorti en 1967 en France, je me suis conforté dans l’idée que cet Antonioni hissé sur tous les pavois de la critique intelligente et qu’on était sommé d’admirer sauf à passer pour un plouc bas de plafond, n’était décidément pas fait pour mes yeux, moins encore pour mon cerveau. Mais, bonne pâte comme on peut l’être à 20 ans, j’avais donné au réalisateur une nouvelle chance de m’intéresser après qu’il m’avait copieusement enquiquiné avec ses opus précédents (L’AvventuraLa nuitL’éclipse). Souhaitant traiter de l’ennui, il n’instillait pas seulement sur l’écran cet affreux sentiment (La charge la plus lourde de la Condition humaine selon Giono), mais le faisait régner résolument parmi les spectateurs (dont la plupart trouvait ça très bien ; nous étions une génération de gogos ; d’ailleurs nous avons fait Mai 68, c’est dire !). (suite…)

Une fille pour le diable

vendredi, novembre 6th, 2020

Parle, commande, règne !

Bien que le film ait été vilipendé à peu près partout et que, paraît-il, Richard Widmark ait beaucoup regretté de s’y être engagé, j’avais tout de même gardé le souvenir intense d’une séquence glaçante et, pour quelques euros j’ai acquis cette Fille pour le diable qui, à la revoyure d’aujourd’hui m’a paru bien plus satisfaisante que ce que l’on en dit et ce qu’elle demeurait dans mon souvenir. Évidemment on ne peut pas mettre sur le même plan les monstruosités satanistes de Une fille pour le diable et celles – qui sont à peu près de la même nature – de la série (des deux premiers films en tout cas) La malédiction qui met identiquement en scène les sectateurs du Prince des ténèbres en les confrontant avec notre réalité souvent matérialiste. Le film de Peter Sykes est un engin de série, qui ne manque pas d’intérêt mais dont les limites sont celles assez bornées, du cinéma de genre, alors que La malédiction vise à un autre niveau. (suite…)

Monseigneur

jeudi, novembre 5th, 2020

Le rêve passe.

Il y avait bien longtemps que je n’avais pris autant de plaisir devant un de ces nanards français, un de ces petits films bien de chez nous qui étaient à l’affiche des petites salles de quartier et qui réunissaient, les samedis soirs, un public populaire qui ne demandait qu’à se détendre. Tout cela avant de rentrer dans son cinquième étage sans ascenseur ni commodités, les toilettes étant, comme de juste, sur le palier. Voilà, dans Monseigneur, la conjonction filmée très réussie du brave petit populo parisien, volontiers révolutionnaire, grognon mais bon vivant et de la haute société qui, en 1949, existe encore un peu dans son apparat figé, sédimenté mais civilisé et extrêmement bien élevé. (suite…)