Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

La soif du mal

vendredi, septembre 25th, 2020

Petit périmètre.

C’est à peu près toujours la même affaire avec Orson Welles : on s’enthousiasme, s’émerveille, s’ébahit sur sa capacité à faire surgir des images surprenantes, magnifiques, angoissantes, attachantes et on se retrouve, en même temps, plongé dans une sorte de capharnaüm narratif où le récit semble se compliquer à l’envi lorsqu’il veut bien ne pas se disperser dans une sorte de fouillis. C’est sans doute pourquoi, en ayant beaucoup admiré et guère apprécié Citizen KaneLa splendeur des Amberson et Dossier secret, j’ai tranché que les deux films de Welles que je préfère sont ses adaptations des pièces de Shakespeare, c’est-à-dire Othello et plus encore Macbeth.Tenu, enserré, corseté par les textes, Welles pouvait donner libre cours à son génie de la mise en scène.

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La séparation

vendredi, septembre 25th, 2020

Pluie fine.

Cinéaste assez rare, Christian Vincent n’est pas dépourvu de talent. Un très charmant, spirituel, intelligent film par quoi il est entré dans le paysage, La discrète, en 1990, avec Fabrice Luchini et Judith Henry. Avec le même (grand) acteur, L’hermine en 2015. Aussi, en 2012, Les saveurs du Palais, qui n’était pas désagréable, avec Catherine Frot et Jean d’Ormesson, qui se coulait dans les habits du Président François Mitterrand. Bien plus avant, cette Séparation en 1994, avec Isabelle Huppert et Daniel Auteuil, deux bien grands acteurs français sur qui repose, à dire vrai, toute la structure du film. (suite…)

Antoinette et les Cévennes

mercredi, septembre 23rd, 2020

Tourne, tourne, papillon…

Voilà un gentil petit film qui ne laissera pas la moindre trace dans le paysage cinématographique français de notre époque et moins encore, bien sûr, dans l’histoire du cinéma. Mais un gentil film qui se laisse voir sans déplaisir, grâce à sa durée très convenablement restreinte (95 minutes), son agréable musique, la bonne tenue de ses interprètes et surtout – surtout ! – grâce à l’extraordinaire photogénie des Cévennes, des splendides paysages où se déroule le récit. Récit d’une maigreur étique mais qui, par la grâce surprenante de la réalisatrice Caroline Vignal et de l’interprète principale Laure Calamy parvient à tenir la distance. Ou presque, ce qui n’est déjà pas mal du tout. (suite…)

Mahler

lundi, septembre 21st, 2020

Les terres excentriques.

Il y a bien longtemps que le cinéma s’est emparé de la vie des grands compositeurs, jugée, souvent à raison, dramatique et romanesque, propre à émouvoir, enthousiasmer ou désoler. En plus il y a un avantage supplémentaire à mettre en images ces vies : l’accompagnement musical est tout trouvé ! On peut citer au fil de la plume Un grand amour de Beethoven d’Abel Gance en 1937 et Eroïca de Walter Kolm-Veltée en 1949, sur Beethoven – qui devint sourd, La symphonie fantastique de Christian-Jaque en 1942, sur Berlioz, dont la fin de vie fut marquée par de terribles deuils, la ridicule Belle meunière de Marcel Pagnol et 1948 et Symphonie inachevée de Glauco Pellegrini sur Schubert, qui devint fou et naturellement Amadeus de Milos Forman en 1984, sur Mozart qui mourut à 35 ans et dont le convoi funèbre sous la neige est encore dans toutes les mémoires (si j’ose dire). (suite…)

Le corps de mon ennemi

jeudi, septembre 17th, 2020

Et on tuera tous les affreux…

Je n’ai pas lu le livre de Félicien Marceau dont le film d’Henri Verneuil est adapté. Belge naturalisé Français, Académicien, le romancier est sans doute aujourd’hui bien oublié mais il connut quelques beaux succès critiques et publics. Avec L’homme du Roi et Les élans du cœur, par exemple, ou Creezy qui reçut le Prix Goncourt en 1969 et fut adapté au cinéma par Pierre Granier-Deferre sous le titre La race des seigneurs. Et au théâtre deux immenses succès, L’œuf adapté au cinéma par Jean Herman et La bonne soupe, adaptée par Robert Thomas. Voilà un étalage d’érudition dont je ne suis que moyennement fier mais qui me conduit à ce que je voulais écrire : Félicien Marceau n’a jamais été soupçonné de marxisme et a même été un des meilleurs amis de Hussards de la Droite décoincée, Roger NimierJacques LaurentAntoine BlondinKléber Haedens(suite…)

Le maître-nageur

mardi, septembre 15th, 2020

Creusant le fond de la piscine…

Je ne suis pas loin de penser que Jean-Louis Trintignant est l’acteur de notre temps (il n’a pas encore 90 ans) qui a tourné le plus grand nombre de films de haut niveau, ou significatifs avec des réalisateurs très différents, dans une palette de rôles extraordinairement variés. Depuis Et Dieu…créa la femme de Roger Vadim en 1956 jusqu’à Amour de Michael Haneke en 2012, son visage, sa présence, sa voix, son talent ont rayonné sur le cinéma européen. Quelques titres, alors qu’il y en a tant et qu’on pourrait presque tout citer ? La plus intense des comédies italiennes, Le fanfaron de Dino Risi en 1962, le succès international (immérité) de Un homme et une femme de Claude Lelouch en 1966, le vengeur muet du Grand silence de Sergio Corbucci en 1968, le juge d’instruction de Z de Costa-Gavras en 1969 et, la même année, l’ingénieur catholique de Ma nuit chez Maud d’Éric Rohmer… En voulez-vous encore ? Le doux boutiquier perdu dans l’Exode de 1940 dans Le train de Pierre Granier-Deferre en 1973, le petit employé de banque qui devient séducteur dans Le mouton enragé de Michel Deville en 1974, le bandit cruel Émile Buisson dans Flic story de Jacques Deray en 1975… (suite…)

Les virtuoses

mardi, septembre 15th, 2020

La famille des cuivres.

Il est assez amusant de remarquer comment le cinéma britannique, qui était moribond à la fin des années 80 a sorti un pied de la tombe. Parce que malgré des succès publics ou critiques importants (Un poisson nommé Wanda de Charles Crichton en 1988, Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway en 1989), l’attrait des studios étasuniens et la suppression par le gouvernement de Margaret Thatcher de réductions fiscales bénéficiant au tournage des films avaient conduit les studios à être désertés. Et chaque année, inéluctablement, le nombre des productions se réduisait comme peau de chagrin. Et cela nonobstant la qualité de réalisateurs comme James Ivory (retour à Howards End 1992, Les vestiges du jour 1993), Mike Newell, (Avril enchanté 1992) ou Kenneth Branagh (Beaucoup de bruit pour rien 1993). (suite…)

Les roseaux sauvages

jeudi, septembre 10th, 2020

La confusion des sentiments.

Il n’y a pas de genre privilégié au cinéma, pas davantage qu’en littérature, ni genres inférieurs, ni mauvais genres, ni genres à prendre avec des pincettes. On peut tout faire, tout décrire, tout conter, aborder le récit comme on le souhaite, se faire le narrateur, prendre de la distance, être omniprésent, voir les choses de haut, multiplier les ellipses narratives ou donner la raison du moindre clin d’œil. On peut tout faire, c’est une question de qualité, de talent et – quelquefois – de génie. Essayez donc de conter comment vous avez du mal à vous endormir, étant enfant, si vous n’avez pas pu recevoir le baiser apaisant de votre maman : il y a lieu de penser que vous irez au devant de graves déconvenues. (suite…)

Le père Noël est une ordure

mardi, septembre 8th, 2020

Douce nuit, sainte nuit…

Le Père Noël est une ordure a attiré dans les salles obscures, en 1982, à peu près 1,6 million de spectateurs. Disons 2 millions pour faire simple. Bien loin des 20,5 millions de Bienvenue chez les ch’tis, des 19,4 d’Intouchables, des 17,3 de La grande vadrouille. Rien à voir, aucune comparaison possible. Et pourtant, dans le langage courant, dans les private jokes des soirées entre amis, dans la mémoire collective, c’est bien le film de Jean-Marie Poiré qui l’emporte haut la main, dans un feu d’artifices de répliques et de souvenirs qu’on serait d’ailleurs bien en peine de citer avec exhaustivité tant elles foisonnent (Ma préférée, c’est sans doute Je vais les remiser par-devers moi, à propos des klougs qui viennent d’être offerts à Anémone). C’est qu’il y a un monde entre le statut de grand succès public et celui de film-culte. Les premiers s’ancrent dans leur époque, font venir au cinéma des tas de gens qui n’ont pas l’habitude de s’y rendre, les seconds édifient une sorte de légende durable, passent et repassent à la télévision, finissent par couvrir plusieurs générations. Il n’y a guère que Les visiteurs qui remplissent les deux cases, il me semble. (suite…)

Terror 2000

dimanche, septembre 6th, 2020

L’entre-soi.

Sur le site de Arte, où j’ai vu le film, Terror 2000 est présenté comme une farce grinçante d’une Allemagne réunifiée confrontée à sa propre violence. On reconnaît bien là le jargon du Camp du Bien et la vigueur militante des rédacteurs qui passent indifféremment des Inrockuptibles à Télérama, de Médiapart au Monde diplomatique. À dire vrai, j’ignore si ces deux dernières publications comportent une rubrique cinématographique, mais je suis absolument persuadé que si c’est le cas, le film de Christoph Schlingensief doit y avoir été recensé et célébré. Car, chez ces gens-là, on sait se tenir les coudes.

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