Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Rien ne va plus

mardi, juin 16th, 2020

Faire gaffe au Grand méchant loup !

Et voilà le Chabrol qu’on aime et qui, en tout cas, fait passer un bon moment ! Un cinéaste sans beaucoup de génie, mais qui aime tourner, sait tourner et, lorsqu’il n’est pas empuanti par son aversion anti-bourgeoise, est capable de fabriquer de vrais bijoux, cyniques ou tendres (La femme infidèle ou Le boucher), mais aussi de très bons films distrayants, presque glaçants (Violette NozièreL’enfer, La cérémonie). Mais il y a aussi le Chabrol des sarcasmes – souvent bien ratés – du type Les godelureaux, Le Tigre se parfume à la dynamite ou Docteur Popaul – ou plus ou moins réussis – L’Inspecteur Lavardin. Et aussi le Chabrol narquois, pétillant, funambule. Et c’est alors un réalisateur qui ne se prend pas au sérieux, filme parce qu’il aime filmer, choisit les acteurs qu’il aime, qu’il admire, avec qui il est bien, se donne les coudées franches et bâtit en riant une intrigue invraisemblable. (suite…)

Entr’acte

samedi, juin 13th, 2020

Foutaise.

René Clair, né en 1898, avait tout de même déjà 26 ans quand il a tourné cette galopinerie dadaïste. Un court métrage de 20 minutes projeté, précisément à l’entracte d’un ballet représenté au Théâtre des Champs-Élysées le 4 décembre 1924. Un ballet qui s’appelait Relâche et dont l’auteur était Francis Picabia, riche et rigolo fumiste qui paraît avoir eu un certain talent pictural mais demeure surtout connu pour ses pitreries iconoclastes. Quand on sait que Clair, assagi avec les années a fini à l’Académie française, temple de le respectabilité et en tournant, ronronnant, plusieurs films bien oubliables (Tout l’or du mondeLes fêtes galantes), on a tout à fait le droit de goguenarder les prétentions révolutionnaires de sa jeunesse (de toutes les jeunesses, évidemment). (suite…)

Himalaya, l’enfance d’un chef

jeudi, juin 11th, 2020

Espaces infinis sans silences éternels.

J’ai bien du mal à me rendre compte que j’ai passé un moment agréable et même souvent haletant devant un film dont je n’attendais rien que quelques images originales et bien tournées de cartes postales. Une sorte de documentaire sur la vie compliquée des malheureux habitants de ces contrées invraisemblables. J’ai souvent écrit ici et là que l’Asie n’est pas mon truc et moins encore, sûrement, ses montagnes, bien que je me souvienne tout petit, d’avoir vibré à l’annonce que l’Annapurna, premier sommet de 8000 mètres à être vaincu, l’avait été par deux Français, Maurice Herzog et Louis Lachenal. Mais depuis lors, tout ce qui pouvait toucher Népal, Bhoutan ou Tibet m’indifférait profondément. (suite…)

Les 8 salopards

lundi, juin 8th, 2020

Bonne compagnie au coin du feu.

Je n’ai rien, absolument rien contre le cinéma de Quentin Tarantino, très habile faiseur qui bénéficie d’une aura extraordinaire parmi la critique et dans le public, profite de moyens financiers considérables et réalise avec une certaine régularité des films qui sont des succès médiatiques. Je ne conteste pas le moins du monde qu’il soit un véritable amateur de cinéma, qui tient à honneur de ne pas tourner en numérique, bénéficie d’une large culture fondée sur d’excellentes références et de grands auteurs et qu’il mette de l’originalité dans le genre plutôt archi rebattu de la violence, voire de la sauvagerie. J’ai apprécié Reservoir dogKill BillDjango unchained et – un peu plus encore – Once upon a time in Hollywood. Des films bien léchés dont aucun ne me semble dépasser très largement la moyenne mais dont aucun ne m’avait ennuyé. (suite…)

Un étrange voyage

dimanche, juin 7th, 2020

Le bout de la route.

Une vieille dame, dont on ne saura pas grand chose, pas même pourquoi tout le monde l’appelle Gino, quitte Troyes pour venir passer deux jours à Paris avec son fils Pierre (Jean Rochefort), restaurateur de tableaux anciens. Un homme un peu dilettante, séparé de sa femme Claire (Arlette Bonnard), qui exploite un petit hôtel. Un père qui a des rapports distants et ennuyés avec sa fille Amélie (Camille de Casabianca) qui prépare Sciences-Po et professe des idées révolutionnaires. (suite…)

La nuit de Varennes

vendredi, juin 5th, 2020

Ascenseur pour l’échafaud.

C’est peut-être bien – c’est sans doute bien – cette nuit-là, cette nuit de l’été qu’est mort l’Ancien Régime. Certainement par l’évidence que l’Assemblée législative, qui succédera à l’Assemblée constituante quelque trois mois plus tard, va par un effet de pente, abolir la monarchie traditionnelle et proclamer la République ; mais surtout parce que quelque chose d’inimaginable s’est passé : la rupture du lien de nature presque religieuse qui unissait le Roi et son peuple. Le Roi de France qui était quelque chose comme l’intermédiaire entre Dieu et les hommes, entre Divinité et Humanité. Dans toute relation de cette nature, il peut y avoir profanation : c’est ce qui se passait lorsque Jacques Clément assassinait Henri III, Ravaillac poignardait Henri IV, ou Damiens tentait de tuer Louis XV. Mais il n’est pas possible de retirer au Roi la majesté, faute de quoi l’édifice s’écroule. Pour qu’il y ait profanation, il faut qu’il y ait ordre établi. (suite…)

La taverne de l’Irlandais

mercredi, juin 3rd, 2020

Cuando calienta el sol.

On a peine à reconnaître dans ce gentil gâteau sucré à la noix de coco le cinéaste de qualité qui a donné à l’écran un des plus beaux westerns classiques qui se puisse, La prisonnière du désert et quelques autres films qui ne manquent pas de force, La chevauchée fantastiqueLa charge héroïque ou Mogambo. Je n’irai pas jusqu’à écrire que La taverne de l’Irlandais m’a fait songer aux Aventures dans les îles, feuilleton étasunien où triomphaient la plastique avantageuse et le sourire éclatant du Capitaine Troy (Gardner McKay) mais enfin on sait bien qu’en prenant pour décor la beauté alanguie des contrées du Pacifique sud, la douceur coquine des mœurs de leurs natifs et la propension anglo-saxonne à la castagne de bars, on ne court pas grand risque. (suite…)

Claire Dolan

mardi, juin 2nd, 2020

La victoire, c’est la fuite.

Tombé là-dessus tout à fait par hasard. J’ignore tout du réalisateur, Lodge Kerrigan. Son nom m’est absolument inconnu et d’ailleurs il n’a pas tourné grand chose pour le cinéma. J’ignore tout autant le nom de l’interprète principale et presque exclusive, Katrin Cartlidge, dont j’apprends ensuite qu’elle est morte, très jeune, à 41 ans, en 2002, d’une pneumonie doublée d’une septicémie. Qu’est-ce qui me retient, alors qu’il y a tant d’autres films à voir ou à revoir ce soir-là ? D’abord le titre, Claire Dolan, dans sa grande sécheresse mais aussi sa belle harmonie euphonique. Et puis, dès les premières minutes, une certaine austérité de l’image, une façon froide, clinique, janséniste de filmer l’existence d’une call-girl de New-York.

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Women in love

dimanche, mai 31st, 2020

Foule sentimentale.

Je suis bien embêté de ne pas pouvoir entrer franchement dans le concert de louanges dispensé ici et là sur le premier film significatif réalisé par Ken Russell, film qui, en plus d’un succès de scandale sans importance, reçut un accueil critique et public très chaleureux. Je n’ai aucune prévention contre le réalisateur et ses extravagances et outrances. À sa sortie sur les écrans, j’avais été emballé par La symphonie pathétique, récit romancé violent de la pauvre existence du grand compositeur Piotr Tchaïkovski (un peu déçu, en le revoyant en DVD il y a quelques années, il est vrai). Les diables tonitruant, choquant, agressif ne laissaient pas indifférent, mais faisaient craindre une dérive, malheureusement constatée avec Mahler puis Lisztomania. Puis plus rien ou presque pendant trente-cinq ans, jusqu’à la mort en 2011 : un réalisateur singulier, mineur mais intéressant. (suite…)

Spermula

samedi, mai 30th, 2020

Vanité et vacuité.

Je l’avais déjà noté lorsque j’avais regardé L’Italien des Roses, le premier long métrage de Charles Matton qui n’en n’a réalisé que quatre, au demeurant, ce qui est déjà beaucoup trop pour un artiste plus susceptible d’intriguer l’amateur par son œuvre plastique (les fameuses boîtes) que par son sens du récit. J’écrivais alors : On sent bien que c’est un intellectuel qui est derrière la caméra et qui cherche à entraîner le spectateur dans une structure compliquée. Le malheur est que le spectateur ne se laisse pas faire comme ça, et que ce qui pourrait servir de support à une rêverie alcoolisée ou -certainement encore davantage – à une dérive entraînée par des substances hallucinogènes, aboutit à un enquiquinement majuscule.

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