Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Ariane

samedi, mai 16th, 2020

L’amour, mode d’emploi.

Aussi charmant qu’artificiel, aussi artificiel que charmant, voici Ariane, un film à la. fois léger et profond donné par Billy Wilder qui n’était ni tout à fait étasunien, ni tout à fait européen mais qui donnait au Nouveau monde l’image de ce que l’Ancien Monde avait été et qui allait disparaître pour toujours. Une sorte de légèreté, de désinvolture, de distance avec les contingences, un art de vivre qui ne reviendrait jamais plus. Un film qui s’ouvre en présentant Paris comme la capitale de l’Amour, où des amoureux de tout âge et de toute espèce s’embrassent à tous les coins de rue. Wilder, né malin, a adapté et transposé en France, pays de la volupté (aux yeux des vertueux États-Unis de 1957) un roman de Claude Anet paru en 1920 et intitulé Ariane, jeune fille russe, qui se déroulait à Berlin, ville infiniment moins glamour, n’est-ce pas ? (suite…)

Le chat à neuf queues

mercredi, mai 13th, 2020

Mortelle randonnée.

Attacherait-on de l’importance à ce film si l’on ne savait que c’est le deuxième de Dario Argento, le deuxième de la trilogie animale qu’il forme avec L’oiseau au plumage de cristal et Quatre mouches de velours gris ? C’est bien fichu, bien mené, il y a quelques scènes mémorables et un rythme soutenu, mais enfin on oubliera vite cette intrigue compliquée qui, à la fin, lors de la révélation obligée, apparaît dans une grande banalité. Et pourtant les grands films de la veine horrifique, intrigante, perturbante sont ceux où, bien après les avoir vus, on se les remémore dans la fraîcheur inquiète de son lit et où on frémit au moindre grincement d’une plinthe. Le chat à neuf queues poursuit très honnêtement son chemin, donne son lot réglementaire d’émotions et de frémissements, mais ne répand pas tout à fait cette atmosphère panique qui est tellement recherchée par l’amateur. (suite…)

Une chambre en ville

mardi, mai 12th, 2020

Il n’y a plus d’après.

Je comprends parfaitement qu’on puisse avoir de la réticence et même du rejet envers ces films entièrement chantés que Jacques Demy a, sûrement à peu près seul dans le paysage cinématographique, tournés et mis au premier plan. J’ai encore le souvenir de mines décontenancées des spectateurs qui quittaient la salle au bout d’un quart d’heure lorsqu’en 1964, j’ai vu pour la première fois Les parapluies de Cherbourg. Il faut admettre l’artifice, accepter la fantasmagorie, ne pas être rebuté par la convention. On entre ou on n’entre pas dans cette optique et on peut tout à fait concevoir que sa longue illusion est absolument insupportable. C’est encore plus artificiel que la comédie musicale, genre où les acteurs entreprennent à des moments choisis de lever la gambette et de pousser la chansonnette. (suite…)

Pour 100 briques, t’as plus rien

mardi, mai 12th, 2020

Tout s’achète et tout se vend.

Il y a eu, au début des années 80, une mode assez singulière et qui me semble, comme toutes les modes, être passée de mode : celle d’associer sur l’écran un couple d’acteurs à la dégaine et aux tempéraments opposés. Cela ne faisait d’ailleurs que reprendre d’anciennes recettes, qui vont de Don Quichotte et Sancho Pança à Laurel et Hardy. Mais donc, à foison, surgissement de films où un grand balaise bien doté par la nature (et souvent chéri de ces dames) et un gringalet lunaire ou grognon cohabitent. Éliminons vite les pochades répétitives de Francis Veber avec Gérard Depardieu et Pierre Richard (La chèvre ou Les fugitifs), aventures exotiques ou ensoleillées toutes bâties sur le même schéma (puisque ça marche !). (suite…)

L’an 01

lundi, mai 11th, 2020

« On arrête tout et c’est pas triste ! »

L’étrange folie de Mai 1968 a entraîné, dans les années qui suivirent, la réalisation d’un bon nombre de films très militants, tournés avec trois bouts de ficelle et souvent consacrés à des luttes ouvrières surgies ici et là. Un peu plus tardivement sont survenues des œuvres plus élaborées, comme Camarades et Coup pour coup de Marin KarmitzLe fond de l’air est rouge de Chris Marker et surtout – vraiment très intéressant – Mourir à trente ans de Romain Goupil. Tous ces films-là et sûrement beaucoup d’autres, avaient une orientation clairement militante et appuyaient très fort sur la condition ouvrière, la lutte des classes et toute la doxa marxiste ou marxisante. (suite…)

Le cabinet du Docteur Caligari

samedi, mai 9th, 2020

La vie est un songe.

S’il ne s’agissait que de noter la restauration d’un film qui affiche désormais son siècle, on ne pourrait que donner la note maximale. Magnifique, intelligent travail qui permet au spectateur de voir une image à la pureté parfaite, de bénéficier des colorisations voulues par le réalisateur Robert Wiene pour marquer les différents niveaux de son discours et d’une musique parfaitement appropriée, composée par Rainer Viertelboeck sur des harmoniques originales qui suivent bien et enluminent même l’action décrite. Si l’on n’est ni spécialiste, ni même amateur de cinéma muet, de cet embryon nécessaire mais incomplet du cinéma que nous apprécions, on s’aperçoit vite que Le cabinet du Docteur Caligari est un jalon important. (suite…)

Soeurs de sang

vendredi, mai 8th, 2020

De l’inconvénient d’être né.

Voilà un exercice de style agréable, qui ne séduira vraiment que ceux qui ont pour Brian De Palma une certaine adulation mais qui intéressera aussi ceux pour qui cette notoriété hollywoodienne, sans pouvoir prétendre aux plus hautes destinées, n’est pas tout à fait négligeable. De Palma n’est ni Scorsese, ni Cimino, encore moins David Lynch ; c’est un réalisateur solide quelquefois, quelquefois peu inspiré ; une sorte de Jean Delannoy ou de Denys de La Patellière pour les mondialisés. On pourrait presque dire avec lui, en parodiant Truffaut que c’est l’empesage de la Qualité hollywoodienne. Peu de choses au demeurant. Quelques excellents films (Carrie au bal du DiableScarface), beaucoup de nullités (Le fantôme du paradisLe dahlia noir). Rien d’extraordinaire, jamais. (suite…)

Persona

jeudi, mai 7th, 2020

Ennuyeux comme la Baltique.

On ne parle plus guère aujourd’hui d’Ingmar Bergman, alors que des cinéastes presque aussi ennuyeux que lui, comme Michelangelo Antonioni, doivent avoir encore une petite secte (sans parler des systématiques béats des Cahiers du cinéma ou de Télérama qui sont payés pour ça). On ne parle plus guère de cet inopportun Suédois qui eut du succès à une certaine époque et empuantit beaucoup de relations amicales entre ceux qui prétendaient réfléchir au vu de ce cinéma-là et d’autres qui avaient envie de vibrer devant du vrai cinéma. Aussi incertaine qu’aujourd’hui, l’époque promouvait comme ça des turlupins comme Jean-Luc Godard et des sinistres comme Ingmar Bergman.

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L’habit vert

mercredi, mai 6th, 2020

« La dénigrer mais tâcher d’en faire partie » (Flaubert)

Déjà si L’habit vert n’était qu’une critique spirituelle, acerbe, narquoise des us et coutumes de l’Académie française et singulièrement de ses luttes électorales, ce serait déjà délicieux. Mais en plus c’est un vaudeville très amusant, très bien troussé, très vif, très enlevé sur les hypocrisies élégantes du Monde. Le Grand monde, le Beau monde. Au fait je considère, à l’encontre des rêveurs de la Gauche bien pensante, que ces hypocrisies sociales sont à peu près exactement partagées entre toutes les classes sociales ; seulement comme certaines sont beaucoup plus gracieuses et mieux élevées, leurs petits arrangements avec la morale sont davantage visibles. De toute façon, taper sur la Haute société donne toujours une sorte de délectation morose revancharde à qui n’en est pas tout en rêvant d’y être, comme le montre le succès des publications consacrées aux familles princières. (suite…)

La nuit des revenants

lundi, mai 4th, 2020

Du fin fond du gouffre.

Il y a tout de même de grands mystères dans l’histoire du cinéma. Comment se fait-il que La nuit des revenants, qui concourt, avec nombre d’autres films de son réalisateur Ed Wood au rang envié de plus mauvais film de tous les temps (il y a de la concurrence, mais celui-ci figure parmi les favoris) figure en bonne place sur la plateforme de diffusion de la chaîne Arte ? Je sais bien que, contrairement à ses débuts, il y a près de trente ans, la chaîne franco-allemande s’est un peu débarrassée de sa prétention élitiste : elle diffuse même nombre de films en VF !), mais il est tout de même rigolo de tomber dans l’abomination de la désolation et de proposer au spectateur ahuri des choses aussi extraordinaires. (suite…)