Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Les sultans

mardi, mars 19th, 2024

Vision du vide.

Chef de file du cinéma de la Qualité française et donc tête-de-Turc des petits messieurs de la Nouvelle vaguequi ne souhaitaient rien plus que prendre leur place, Jean Delannoy n’est pas un mauvais cinéaste. Disons qu’il est un bon artisan du cinéma, alternant les réussites (Marie-Antoinette reine de France 1956 Maigret tend un piège 1958, Le baron de l’écluse 1960) et les ratages complets (L’assassin a peur la nuit 1942, L’éternel retour 1943, La symphonie pastorale 1946). Et beaucoup d’autres films qui ne laissent de traces que dans la tête des amateurs de vieilleries. (suite…)

Nowhere

dimanche, mars 17th, 2024

Aussi ennuyeux que dégueulasse.

Voilà un film vraiment détestable et même méprisable, pire encore que Bully de Larry Clark à qui l’on pouvait reconnaître certaines éminentes qualités, malgré l’omniprésence de la racaillerie intellectuelle qui le sous-tendait. Nowhere n’a rien de cela : : une collection d’infirmes mentaux, de dégueullasseries haineuses et d’incertitudes physiques. Les inconstances du cœur et de l’esprit (et du corps, bien, sûr et d’évidence) posées devant les nombreux protagonistes, tous emberlificotés dans leurs dépendances, drogues, sexes et amours. Pauvre souci de gamins abandonnés à eux-mêmes qui préfigurent notre pauvre aujourd’hui. (suite…)

Platoon

vendredi, mars 15th, 2024

Le bruit et la fureur.

Qu’est-ce qui a bien pu pousser John Kennedy, puis Lyndon Johnson, puis Richard Nixon à partir s’engluer dans le bourbier de l’Asie du Sud-Est, sinon la manie étasunienne, catastrophique et permanente, d’aller se mêler de ce qui ne les regarde pas, manie qui leur fait mettre le feu avec constance aux quatre coins du monde et qui nous vaut l’état de guerre presque permanent que nous subissons en nous soumettant à leurs ukases. Faisant semblant de vouloir arranger les choses – qui se règleraient tranquillement sans eux dans des conflits limités – ils les rendent naturellement bien pire qu’elles n’étaient auparavant. (suite…)

Que notre joie demeure

lundi, mars 11th, 2024

Le souffle de l’Esprit.

Je n’ai cessé d’écrire ici et là combien est grand, formidable, le courage d’une réalisatrice qui parvient, année après année à constituer une oeuvre cohérente et forte, malgré l’absence de tout soutien du CNC et des grands médias qui financent à tire-larigot la plupart des infamies cinématographiques fabriquées pour les soirées de TF1. Oui, courage, sens de la débrouille, capacité à mener son petit monde d’acteurs et de techniciens, ingéniosité à trouver trois francs, six sous pour boucler ses tournages. Une toute petite note d’espoir néanmoins ; je notais déjà, à la fin de Je m’abandonne à toi, son dernier ouvrage, une participation de Canal +. Et le générique de Que notre joie demeure s’ouvre sur l’affirmation de cette participation et de celle de Ciné +. L’arrivée de Vincent Bolloré dans les médias est une véritable bénédiction pour le pluralisme. (suite…)

Messieurs Ludovic

samedi, mars 9th, 2024

Mélodie des coeurs brisés.

On peut faire du bon, de l’agréable cinéma avec n’importe quoi ! En voilà une nouvelle preuve : une histoire dont les prémisses et la structure sont absolument invraisemblables, cousu de hasards miraculeux, de rencontres improbables, de retrouvailles inattendues. Mais c’est tellement ingénieux, tellement bien conçu dans son horlogerie interne qu’on y prend un grand plaisir, qu’on suit avec tendresse et intérêt les péripéties, qu’on y trouve vraiment son content. C’est certainement dû aussi à la grande qualité de la distribution : d’abord Odette Joyeux, qui est une de mes grandes nostalgies et qui a toujours, dans ses sourires, ce petit grain d’amertume qui la rend si vraisemblable. Et puis Bernard Blier, qu’on n’a jamais vu mauvais, Marcel Herrand, inoubliable Lacenaire des Enfants du Paradis mais aussi parfait Consul de Laubry dans Martin Roumagnac… Et même Jean Chevrier, souvent mièvre (Falbalas) tient là sa partie. On peut ajouter une courte mais éblouissante apparition de Jules Berry en arsouille vraiment affreuse. (suite…)

Le bateau à soupe

mercredi, mars 6th, 2024
Chronique d’un désastre annoncé.
Voilà, malgré son titre médiocre, un excellent mélodrame rude qui, en plus, a le bon esprit de se terminer très mal sur la mort, l’indifférence et l’amertume. Voilà qui change des habituelles conclusions mielleuses, douceâtres et invraisemblables : il y a des moments où la logique d’un récit, ses développements, les caractères et les comportements des personnages, leurs histoires personnelles ne peuvent que conduire aux catastrophes. On sent d’emblée que, telle qu’elle est engagée, l’histoire ne peut que mal aboutir, d’autant qu’elle se passe dans le rude milieu de la marine à voiles, à la fin du 19ème siècle, sur un bateau où le capitaine est seul maître après Dieu.

(suite…)

Paméla

vendredi, mars 1st, 2024

Qu’est devenu le petit Roi ?

On peut bien sûr trouver que l’Histoire n’a aucun intérêt et que ce qui a été vécu dans les siècles qui nous précèdent peut tout à fait être passé sous silence et être complétement négligé. Je vois pourtant que les journaux, les émissions, les films qui évoquent le passé recueillent bien souvent beaucoup de succès. On a beau se vouloir fier combattant de la modernité, même de l’immédiateté, on songe avec une grande fascination à des épisodes de jadis que nous font sentir que nous avons eu des parents (la guerre d’Algérie), des grands-parents (la guerre de 40), des arrière-grands-parents (la guerre de 14) et d’autre qui ont vécu les temps anciens. Mon arrière-grand-père paternel est né en mars 1821, deux mois avant la mort de Napoléon. C’est loin ? C’est proche ! (suite…)

Paradis perdu

lundi, février 26th, 2024

Le rêve passe.

Il se peut, il n’est pas impossible qu’Abel Gance ait eu du talent. Pas autant que le proclamaient François Truffaut et les petits messieurs de la prétendue Nouvelle vague, mais un peu de talent. Au fait, je n’en sais trop rien : tous ces gens-là devaient être sous l’impression de qualité des films muets que le cinéaste avait réalisés. N’en ayant vu aucun, je dois rabattre mon caquet : après tout Gance, comme Jean Epstein, comme F.W. Murnau, comme D.W. Griffith, comme Erich von Stroheim pouvait ne révéler ses qualités que dans les balbutiements du Septième art privés de dialogues. (suite…)

Maigret à Pigalle

dimanche, février 25th, 2024

Les diamants sont éternels.

Inépuisable personnage du commissaire Maigret ! Depuis 1932 (La nuit du carrefour de Jean Renoir avec Pierre Renoir) jusqu’au Maigret de Patrice Leconte de 2022 avec Gérard Depardieu on en a connu plein d’incarnations, d’ailleurs très différentes. Peu de choses en commun entre Michel SimonAlbert PréjeanJean Gabin, sans parler des illustrations télévisées de Jean Richard (il paraît moins catastrophique que d’habitude) ou de Bruno Crémer (qu’on m’a dit excellent) en fin de carrière. (suite…)

Le frisson des vampires

lundi, février 19th, 2024

Peu de frissons, beaucoup de vampires.

Passionné de cinéma depuis l’enfance, assistant réalisateur de Luis Buñuel (paraît-il), concepteur de quelques courts-métrages, Jean Rollin a saisi en 1968 qu’il pouvait trouver le succès en se posant au confluent de deux tendances lourdes. Deux tendances qui de façon singulière et sans rapport direct l’une avec l’autre avaient mis ou allaient mettre pour un long temps la main sur l’imaginaire du monde. C’était d’abord la vogue des films de vampires, relancée dix ans auparavant par la Hammer avec l’indétrônable Cauchemar de Dracula qui faisait revivre les solides recettes horrifiques des États-Unis de la Grande crise. Puis – ce qui allait devenir un déferlement – la libération sexuelle et davantage encore, à ce moment précis la fin de la pudibonderie qui a permis que la nudité intégrale fût exposée à l’écran. La pornographie ne s’est établie que quelques années plus tard, avec une telle puissance qu’il a fallu, fin 1975, imposer le classement X, fiscalement pénalisant. (suite…)