Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Huit et demi

samedi, janvier 4th, 2020

Une aussi longue absence.

Je me souviens encore très précisément de l’atmosphère qui régnait, dans une chaude nuit de l’été 1963, à la sortie du cinéma Casino de Digne, ma ville natale, où je passais rituellement mes vacances d’été. Nous devions bien être une dizaine de camarades, filles et garçons mêlés, et nous avions 16 ou 17 ans. Il me semble que nous n’étions pas très nombreux à avoir vu déjà La dolce vita – sans y comprendre grand chose – et je devais être le seul à connaître Les tentations du docteur Antonio du film à sketches Boccace 70, que j’avais pris comme une vaste rigolade. Mais, pour les jeunes péteux que nous étions, soucieux d’intellectualisme, le nom de Federico Fellini était comme une sorte de vache sacrée, quelque chose à quoi il n’est pas concevable de s’opposer.

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L’étrange histoire de Benjamin Button

vendredi, janvier 3rd, 2020

Love story.

Je suis assez étonné que tant de bons esprits attachent de l’importance à ce film bien larmoyant, extrêmement long (près de trois heures), ce qui, en soi, ne serait pas grave, mais surtout terriblement lent. Je m’empresse d’emblée de dire que je n’ai absolument rien contre le cinéma du réalisateur David Fincher, dont j’ai plutôt apprécié Seven et Gone girl et dont je n’ai pas détesté Fight club ou Panic room.

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Des oiseaux, petits et grands

mercredi, janvier 1st, 2020

L’art et la manière.

J’ai avec le cinéma de Pier Paolo Pasolini une relation incertaine, voire ambiguë. Il ne me viendrait pas à l’idée de nier son intelligence, sa finesse, sa subtilité. La beauté formelle (peut-être un peu trop guindée) de L’Évangile selon Saint Matthieu, la pitié chaleureuse exprimée dans Mamma Roma, surtout la sombre mais magnifique ignominie de Salo ou les 120 journées de Sodome. Mais d’un autre côté, les jeux complaisants médiocres de la Trilogie de la vie (Le DécaméronLes contes de CanterburyLes mille et une nuits) et aussi la complaisance nombriliste de Carnet de notes pour une orestie africaine. (suite…)

Les Misérables

mardi, décembre 31st, 2019

Notre riant avenir.

Ladj Ly, le réalisateur des Misérables vient de tenir des propos scandaleux, inadmissibles, intolérables sur des journalistes qui luttent contre l’islamisme, Éric Zemmour et Zineb El Rhazoui (ancienne de Charlie hebdo). Il a été condamné à 3 ans de prison pour complicité d’enlèvement et de séquestration à cause d’une histoire compliquée qui fait pièce sur la vertu de sa sœur. Ce n’est donc pas un garçon que j’aimerais compter parmi mes amis et il est certain que je ne serais pas rassuré si je me retrouvais à ses côtés lors d’un dîner en ville (voilà une hypothèse qui n’a vraiment aucune chance d’avoir lieu, soit dit en passant). (suite…)

L’abominable homme des douanes

lundi, décembre 30th, 2019

Au fond de la piscine, on peut encore creuser…

Ce n’est pas toujours bien beau, les fins de carrière. Si Marc Allégret n’a jamais eu le talent de son frère Yves (celui-ci bien assisté par le scénariste Jacques Sigurd), il a tout de même réalisé quelques films intéressants et même notables ; en premier lieu Entrée des artistes avec un Louis Jouvet étincelant, mais aussi Félicie Nanteuil et surtout Blanche Fury ou même Aventure à Paris ou Gribouille. Et son acteur principal, dans L’abominable homme des douanes, c’est Darry Cowl à l’étrange destin. D’abord irrésistible acteur de complément (un peu comme Louis de Funès), il passe en quelques mois à un statut de vedette, tournant en premier plan une dizaine de films très oubliables mais qui rencontrent un succès réel au cœur de la France profonde. (suite…)

En liberté !

samedi, décembre 28th, 2019

J’ai beau écarquiller les yeux…

Jubilatoire ! dit l’un (Grazia) ; La comédie de l’année assène un autre (Le Figaro) ; Rires en cascade profère un troisième (Télérama) ; Fait rire et très fort proclame un quatrième (Le Monde). Comment résister à ça, d’autant que l’ami qui m’a prêté le DVD, aussi cinéphage que moi et bien davantage cinéphile, avait ajouté à ces dithyrambes qu’il n’avait pas ri autant depuis des lustres. Donc, même si j’avais naguère été accablé par Les apprentis du même réalisateur, Pierre Salvadori, je me préparais à passer un bon moment festif, ce qui correspond parfaitement bien à la période qui relie Noël au Jour de l’An. (suite…)

Tout sur ma mère

jeudi, décembre 26th, 2019

« Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille… »

De la même façon qu’en matière de football on ne change pas une équipe qui gagne, il n’y a aucune raison de ne pas utiliser une citation opportune sous le médiocre prétexte qu’on l’a semée plusieurs fois, notamment en évoquant les films de Luis Bunuel. Cette citation est attribuée à Charles Quint qui avait quelque pertinence à la formuler : « Les Allemands ont l’air sage et sont fous ; les Français ont l’air fou et sont sages. Les Espagnols ont l’air fou et sont fous« . (suite…)

Circonstances atténuantes

lundi, décembre 16th, 2019

Pas folle, la guêpe !

On a souvent tendance à placer en parallèle Circonstances atténuantes et Fric-frac. Bien sûr les films sont sortis sur les écrans à peu près en même temps en 1939, le second le 15 juin, le premier le 26 juillet (on voit par là qu’on ne se faisait pas trop de soucis lors de cette année pourtant fatidique : Amusez-vous, foutez-vous d’tout, comme le chantait Albert Préjean). Les deux films braquent leurs caméras sur de braves gens un peu guindés qui, échouant au milieu de bandes de mauvais garçons, y feront découverte d’un monde dont ils n’imaginaient pas même l’existence. Et puis l’un et l’autre ont pour têtes d’affiche deux immenses acteurs, Arletty et Michel Simon. (suite…)

La rivière d’argent

samedi, décembre 14th, 2019

Le requin californien.

C’est l’histoire de la grandeur et de la décadence (jusqu’à un improbable et bébête happy end) d’un aventurier californien de la fin de l’avant-dernier siècle. C’est-à-dire un récit vu vingt fois sur les écrans de tous les cinémas du monde ; et il y a aussi la paranoïa, la mégalomanie, le dépouillement de tous les scrupules qui surviennent chez ceux qui sont grisés par le veau d’or, voulu toujours un peu plus imposant et un peu plus doré. Comme dans Citizen Kane, si l’on veut ; mais c’est beaucoup moins bien. En d’autres termes, le spectateur qui a un peu de bouteille et des références anticipe à chaque fois les deux ou trois séquences qui vont suivre. Ce n’est pas un obstacle dirimant, mais ça ne laisse pas beaucoup de place à l’émerveillement. (suite…)

La femme du dimanche

vendredi, décembre 13th, 2019

Les secrets du clair de lune.

Et voilà que je me suis cru quelquefois dans un giallo, filles dénudées et sang à la une en moins et non pas chez le grand Luigi Comencini ! Que s’est-il passé ? Sans doute exigences alimentaires et pesanteurs des productions internationales, peut-être désir du réalisateur de tourner quelque chose qui n’était pas dans sa manière, quelque chose d’innovant et possiblement même pari plutôt nigaud de réussir l’adaptation d’un roman de Carlo Fruttero et Franco Lucentini écrite par le premier nommé et par Agenore Incrocci, c’est-à-dire par le mariage de l’eau et du feu.

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