Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

La vengeance d’une femme

vendredi, mai 10th, 2019

La femme est un homme comme les autres.

Il est bien dommage que le titre du film de Zoltan Korda livre presque d’emblée, pour qui sait lire et qui est à peu près habitué aux roublardises du cinéma de genre la clef du suspense. Parce que le réalisateur aurait pu avec davantage d’habileté laisser planer le doute sur la mort d’Emily (Rachel Kempson), richissime maladive épouse du séduisant et léger Henry Maurier (Charles Boyer), qui a collectionné les maîtresses mais qui vient de découvrir l’amour avec la jeune ravissante Doris Mead (Ann Blyth) qui n’a que 18 ans. La première demi-heure passée, qui pose les personnages et à l’issue de quoi on peut encore se poser des questions sur la qualité des sentiments des protagonistes, on voit arriver la catastrophe de façon un peu trop prévisible pour que le film soit une parfaite réussite. (suite…)

Le drapeau noir flotte sur la marmite

mercredi, mai 8th, 2019

Vaisseau fantôme.

À part un dialogue assez enlevé entre Jean Gabin et Ginette Leclerc (qu’on est toujours heureux de retrouver), où est la patte de Michel Audiard dans un des premiers films qu’il ait réalisé ? La réplique à quoi je pense est cet échange qui aboutit à un définitif Ma chère, étant donné votre degré d’instruction, que vous preniez Caracas pour la capitale du Brésil, passe encore … mais il est alarmant qu’à votre âge, vous confondiez une hacienda avec un claque, parce que Marie-Ange /Leclerc, épouse de Victor/Gabin s’est reproché de n’avoir pas suivi à Caracas un hidalgo (!!) qui lui faisait la cour. Sinon, de fait, qu’est-ce qui reste du dialoguiste enchanteur des belles années de l’âge d’or du cinéma français ? Vraiment pas grand chose. (suite…)

Dom Juan

lundi, mai 6th, 2019

Le meilleur du théâtre.

Et si, finalement, le meilleur du théâtre était le cinéma ? On m’objectera avec pertinence que cette version de Dom Juan a été réalisée par Marcel Bluwal pour la télévision, qu’elle a été diffusée sur la seule et unique chaîne le 6 novembre 1965 et qu’elle n’a jamais été distribuée sur grand écran (sauf, peut-être – mais allez savoir ! – lors d’un festival de télévision). N’empêche que ce confinement à la petite lucarne ne s’est justifié que parce que le succès commercial aurait été des plus aléatoires et surtout – surtout ! – parce que la télévision de cette époque ambitionnait vraiment d’être le huitième art et proposait aux spectateurs, de plus en plus nombreux, d’année en année, des œuvres ambitieuses et d’une qualité impeccable. Ne croulons pas sur la nostalgie, mais regrettons les merveilles de La caméra explore le temps, du Théâtre de la jeunesse, des grandes dramatiques adaptées de Balzac ou de Barbey d’Aurevilly et, pour les documentaires, de Cinq colonnes à la une ou des Coulisses de l’exploit. (suite…)

Drôle de frimousse

samedi, mai 4th, 2019

Paris, reine du Monde.

Quel film charmant, délicat, gracieux, léger, venu de l’enchanteur Stanley Donen et d’États-Unis qu’on appréciait d’autant plus qu’ils rendaient souvent hommage au Vieux Monde civilisé, montrant bien qu’ils comprenaient d’où ils étaient issus et quelle dette ils nous devaient. Comme elle est agréable cette promenade dans un Paris encore bien noir de la suie d’avant André Malraux, mais plein de charme, de sourires et d’allégresse ! Capitale de la beauté, du luxe, du raffinement, modèle pour tous les étrangers qui y débarquaient, émerveillés de découvrir, de Notre-Dame à la Tour Eiffel un large demi-millénaire d’Histoire et d’intelligence… Et même quand Donen se montre un peu narquois envers la faune germanopratine ou montmartroise et ses existentialistes crasseux, il le fait avec un sourire amical et tendre.

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Shutter island

mercredi, mai 1st, 2019

Contes de la folie ordinaire.

Mon Dieu, que c’est long et même souvent longuet ! Avec un récit plus nerveux, épuré de nombreuses péripéties adventices et superflues, Martin Scorsese aurait réalisé un film où la qualité de sa patte (et de sa pâte) aurait pu faire oublier l’invraisemblance du scénario, bâti sans doute sur un de ces romans de plage bien fichus (comme une bimbo est bien fichue) dont les États-Unis d’Amérique inondent le monde entier. Des romans que des types malins et doués apprennent à rédiger dans des ateliers d’écriture extrêmement formatés.

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Tous les matins du monde

mercredi, mai 1st, 2019

Nocturne.

Eh oui, ce qui est, de fait, tout à fait extraordinaire, c’est que ce film pesant, ennuyeux, rigoriste – aussi janséniste que l’est Sainte-Colombe (Jean-Pierre Marielle) – ait réuni autant de spectateurs, ait été un succès public. Je gage qu’il s’est agi là d’un de ces phénomènes de culpabilité culturelle qui fait que des gens se sentent obligés, en rapport avec ce qu’ils estiment être leur statut social, d’adhérer à certaines obligations quasiment mondaines. C’est un phénomène très connu pour les grandes expositions qu’il faut avoir vu (du type Toutankhamon), mais aussi, de temps à autre pour les essais (Le hasard et la nécessité du Prix Nobel Jacques Monod en 1970) ou même pour les romans (Le nom de la rose d’Umberto Eco en 1980, voire Les bienveillantes de Jonathan Litell en 2006). Visiteurs des expositions, acheteurs des livres sont dans le pur conformisme normatif.

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This is England

lundi, avril 29th, 2019

De si braves garçons…

C’est toujours un peu pareil lorsque de vertueux indignés entreprennent de stigmatiser la bête immonde et d’appeler l’attention des populations sur son réveil ou son surgissement. Quels qu’en soient les talents, ils vont si loin dans la volonté démonstrative qu’ils pervertissent leur propos à force de manichéisme et finissent par agacer. Lorsqu’un des meilleurs réalisateurs francophones contemporains, Lucas Belvaux, s’engage contre le Front national, un peu avant les élections présidentielles de 2017, avec Chez nous, il en fait tellement qu’il passe à côté du sujet. (Au fait, j’ai dit tant et tant de bien de presque tous les films de Belvaux que je ne puis être suspecté de lui donner là le coup de pied de l’âne). C’est un peu la même chose avec This is England dont le réalisateur, Shane Meadows entend régler ses comptes en 2007 avec à la fois Margaret Thatcher et le National Front d’Enoch Powell, situant son récit en 1983.

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La tour infernale

samedi, avril 27th, 2019

Mon Dieu, quel malheur d’avoir un mari bricoleur !

On pourra s’étonner que je chronique La tour infernale quelques jours après seulement l’incendie du 15 avril qui a ravagé Notre-Dame et qui est, bien entendu, d’une tout autre force émotive et d’une tout autre importance. Je jure pourtant que j’avais emprunté le DVD plusieurs semaines auparavant, avec une simple envie de divertissement et sans intention particulière d’admirer le courage, le dévouement, le professionnalisme des sapeurs-pompiers, qu’ils soient d’ici ou de là-bas. Disons alors qu’il ne tombe pas mal que l’on puisse le dire et le redire… (suite…)

Le bal des actrices

mercredi, avril 24th, 2019

L’entre-soi.

Comme je ne tiens pas Maïwenn Le Besco pour le phare absolu du talent cinématographique, comme j’ai ouï dire (je ne sais comment j’ai ouï ça !) que la demoiselle fricotait avec le physiquement monstrueux Joey Starr (qui joue, d’ailleurs, son propre rôle dans Le bal des actrices), j’ai glissé le DVD dans mon lecteur avec un préjugé guère favorable, en tout cas très méfiant. Et pourtant, sur les seules premières vingt minutes, j’ai bien failli changer de point de vue et me laisser prendre au jeu. Je ne me faisais pas d’illusions, toutefois, sur le caractère terriblement nombriliste de l’exploration du petit monde des actrices, sur le territoire circonscrit à quelques arrondissements branchés de la Capitale et à des dames plutôt jolies, au demeurant, mais qui ont leurs soucis, comme tout le monde.

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Le charme discret de la bourgeoisie

mardi, avril 16th, 2019

Voyage en Absurdie.

Voilà sans doute un des meilleurs films de Luis Bunuel, un film dont l’affiche diffusée un peu partout, est pourtant extrêmement ridicule. Mais un film où le génial iconoclaste espagnol retrouve la plus grande partie de la verve destructrice de ses débuts. Qu’elle s’exerce contre la classe bourgeoise dominante n’a, à mes yeux, aucune espèce d’importance : on ne se pose qu’en s’opposant, disait je ne sais plus qui et, en tout cas, les lazzis lancés jusqu’à plus soif envers cette fraction de la société qui a pris le pouvoir lors de l’âge des Révolutions n’est là que pour marquer qu’elle a emporté la mise. Au 17ème siècle, les mêmes sarcasmes auraient pu être employés contre l’aristocratie et aujourd’hui, s’il y avait encore un Bunuel, contre la médiature du Camp du Bien, celle qui se gonfle d’importance devant ses Audimat télévisés. (suite…)