Caught

Brio de la mise en scène, pauvreté de l’intrigue.

Pour qui tient Lettre d’une inconnue, et davantage encore Le plaisir et, au sommet, Madame de pour des émotions cinématographiques majeures et Max Ophuls pour un magnifique artiste, Caught est évidemment deux ou trois tons au dessous, du fait de la faiblesse et de la banalité du scénario.

Scénario de surcroît perclus d’invraisemblances et de raccourcis qui empêchent de s’y attacher, si brillantes puissent être les scènes qui encadrent l’intrigue.

 

 

Ainsi, par exemple, la séquence où Léonora (Barbara Bel Geddes), quelques mois après son mariage attend désespérément, dans la maison de Long Island, dans la nuit et dans la neige, le retour de son mari, Smith Ohlring (Robert Ryan), alors que l’histrion-parasite Franzi (Curt Bois) joue au piano une valse de Strauss (Légendes de la forêt viennoise ou Sang viennois ?), scène d’une grande vérité et d’une intense noirceur. Mais que s’est-il vraiment passé pendant les huit mois d’un mariage engagé par bravade et caprice par un homme aussi arrogant qu’odieux ? On aimerait suivre la dégradation d’une relation qui a, un temps en tout cas, émerveillé Léonora…

Et de la même façon, comment le docteur Quinada (James Mason) qui aime et est aimé de Léonora parvient-il si facilement à la retrouver, lorsqu’elle l’a quitté, enceinte, pour retrouver son mari Smith Ohlring ? Il ne me semble pas (ou j’ai mal entendu à un moment ?) qu’elle ait jamais parlé à Quinada de son mariage et moins encore ait donné son nom d’épouse…

Puis, est-ce que qu’il n’y a pas une lourde, trop lourde insistance sur les aspects psychanalytiques, sur les crises cardiaques qui saisissent périodiquement Smith dès que quelque chose ou quelqu’un lui résiste ? On avait compris déjà l’immaturité du bonhomme, cher Max Ophuls, ce n’était pas la peine d’en rajouter !

Cela étant, Caught est aussi un régal pour ceux qui aiment que la caméra bouge et que le cinéma soit vraiment multiplication des points de vue : comme à l’habitude, la virtuosité, l’originalité du réalisateur font merveille ! Travellings, panoramiques, plongées et contre-plongées forment de merveilleuses images en mouvement. Et les acteurs sont effectivement impeccables, même si je trouve que James Mason, en médecin amoureux est un peu mièvre…

Dans l’édition que je possède, une bonne surprise : un supplément de 52 minutes, l’émission Cinéastes de notre temps, série critique mythique s’il en fût, que Michel Mitrani consacrait en 1965 à Ophuls avec de multiples et merveilleux témoignages…

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