Cécile est morte

Sans désagrément et sans intérêt.

Je ne serai pas aussi sévère avec Cécile est morte que je l’ai été pour Picpus de Richard Pottier où le commissaire Maigret était également interprété par Albert Préjean, qui jouera encore le rôle dans Les Caves du ‘Majestic’, du même Pottier que je n’ai pas vu et qui ne doit pas valoir grand chose.

Pourquoi cette relative indulgence ? Peut-être un peu pour Maurice Tourneur, qui sait assez bien filmer les atmosphères douteuses, mais surtout pour l’intrigue, qui est ingénieuse et intéressante ; et tout ceci à condition d’absolument évacuer que c’est censé être une enquête de Maigret. Si l’adaptation cinématographique reprend assez fidèlement les péripéties du roman de Georges Simenon, il lui manque tout ce qui fait le talent unique du Liégeois : la restitution parfaite d’un milieu, d’une profession, d’un caractère, tout cela à coup de phrases simples, sans effets, sans apparent brio, mais qui vous entourent, vous encerclent, vous retiennent dès les premières lignes lues.

Si l’on oublie tout cela, si l’on passe sur le fait que Préjean est assurément le pire Maigret qu’on ait jamais vu, un contre-sens absolu, histrion vibrionnant, trépidant, frémissant, alors que le commissaire est réservé, paisible, taciturne, qu’il a de la lourdeur, de l’épaisseur, plutôt, si l’on regarde Cécile est morte comme un film de samedi soir classique, on n’est pas déçu. Je suis généreux : il faut tout de même se payer l’immonde et bafouillant Gabriello, aussi pitoyable que d’habitude ; mais le reste de la distribution est plutôt réussi : Germaine Kerjean, à l’œil toujours terrible qui est la vieille parente exigeante, odieuse, hypocrite de la pauvre Cécile, Charles Blavette, trop souvent mal employé, mais qui a de la présence (comme il l’a montré dans Toni de Jean Renoir), Yves Deniaud, dentiste effrité.

movie_callout_imageEt une mention spéciale, admirative et déférente à Jean Brochard, très grand acteur de complément, toujours à même de représenter les fripouilles, les vicelards, les bizarres, les lâches, les fuyards, les suffisants (Boule de suif, Jéricho, Un revenant, Les diaboliques, Pot-Bouille) et qui est un véritable délice en crapule papelarde, onctueuse, vicelarde. Eût-il reposé sur son personnage, le film aurait mérité une bien meilleure note.

D’autant que – audaces bienvenues ! – Cécile est morte dispense quelques singularités : une très jeune fille nymphomane, une concierge alcoolique, une méchante femme apparemment austère qui, en fait, a placé ses sous dans des maisons closes…

Plein d’invraisemblances dans le récit, mais du rythme et une histoire que l’on suit sans déplaisir… Mais pour trouver un vrai Maigret, mieux vaut aller voir chez Delannoy, Renoir ou Duvivier

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