Comme elle était belle…
En 1972, Romy Schneider a 34 ans ; encore dix ans, et elle se donnera la mort et, dans ses dernières années, il y aura un voile de tristesse qui descendra graduellement sur son regard…
En 1972, elle n’est plus depuis longtemps la très jeune femme si lumineuse, presque une enfant que le monde entier a adulé dans la série des Sissi (oui, j’ai adoré ça, et je suis bien loin d’en avoir honte : c’était enfantin, mais si frais !) : cela fait dix ans – aussi, déjà ! – qu’elle a commencé à consciencieusement démolir son image nette et mièvre : le sketch tourné par Visconti dans Boccace 70, un rôle plus effacé (mais dirigé par Orson Welles !) dans Le procès et, en 1969, l’érotisme étourdissant de La piscine de Jacques Deray où toute ma génération – qui se croyait marquée définitivement par le bikini blanc de l’Ursula Andress de Dr. No – a eu le souffle coupé par le bikini noir de Romy (surtout lorsqu’elle l’enlève, d’ailleurs).
En 1972, elle n’a plus rien à prouver, plus rien à provoquer ; c’est son troisième film à la suite avec Claude Sautet, radiographie magnifique de la France si prospère des années Pompidou ; Hélène, femme qui n’est plus aimée dans les choses de la vie, Lily, la prostituée triste de Max et les ferrailleurs lui ont permis de jouer sur des registres différents, mais dans une tonalité assez grave.
Et c’est dans César et Rosalie qu’elle va – sans doute ! – être la plus ravissante, la plus séduisante, surtout la plus épanouie, grâce à un scénario en or massif, propice à des scènes pleines de gaieté, d’invention, de vigueur, grâce à des partenaires au plus haut de leur charme et de leur talent, Yves Montand et Sami Frey.
Qui mieux qu’eux deux auraient pu représenter avec tant de bonheur deux des facettes de ce qui plaît à Rosalie ? Le parvenu hâbleur, souvent ridicule (ah ! la formidable idée de l’apprentissage par cœur des premières mesures seulement de la cantate de Bach !), mais plein d’une formidable vitalité, l’artiste calme, narquois, moqueur et presque tout autant déterminé que son adversaire…
Ces deux-là que tout oppose et que réunit pourtant très fort l’attirance qu’ils éprouvent pour une femme virevoltante, joueuse, jamais très sûre qu’elle choisit le bon amant et qui, finalement, n’est pas si mécontente que ça d’une situation où elle n’a pas beaucoup de difficultés à régner…
Sautet met ce carrousel d’intermittences du coeur superbement en scène, imprime à sa caméra le rythme souple et virevoltant qui convient, Philippe Sarde illustre musicalement ce film plus rose que gris, et, trente cinq ans après on retrouve tout cela sans une ride…
Et dire qu’elle est morte !…