Foutage de gueule !
J’ai vu un nombre considérable de mauvais films dans ma vie, mais à ce degré-là, j’ai beau chercher dans ma mémoire, je ne trouve pas quoi que ce soit qui approche le quart du tiers du dixième de ce que peut représenter cette Chair pour Frankenstein qui doit constituer le sommet incontestable du foutage de gueule.
Cela étant, c’est bien ma faute et je n’ai à m’en prendre qu’à mon goût bizarre pour les films tarte. Là, c’est un peu davantage : ce n’est pas forcément un film qui ennuie, qui indiffère, ou qui irrite : c’est bien pire encore et même les plus épouvantables débilités de Jésus Franco, dans le genre érotico-sadique sont cent, mille coudées au dessus !
Au mythe près, c’est pourtant une grande partie de l’équipe cinglée qui avait réalisé Du sang pour Dracula qui, malgré ses outrances grotesques, son foutoir invraisemblable, ses scènes hautement ridicules présente, à mes yeux, cette miraculeuse magie, musicale, esthétique, voire pathétique qui fait qu’on s’attache…
Presque la même équipe, donc : produit et inspiré par le pape de l‘Underground Andy Warhol, réalisé par Paul Morrissey, interprété par Joe Dallesandro, Udo Kier, Arno Juerging, Chair pour Frankenstein se paye même le luxe de dialogues de Gérard Brach, habituel complice de Roman Polanski dans ses meilleurs films, adaptateur funambule du Nom de la rose… Et c’est pourtant là un des plus mauvais dialogues que j’aie jamais entendu, farci de balourdises, d’impropriétés, d’anachronismes, d’incongruités…
Tout ce petit monde devait être sous l’influence de substances hautement toxiques pour oser présenter cet épouvantable fatras de maniaqueries, plein de manipulation d’entrailles dégoulinantes de sang, de pulsions sexuelles délicates (nymphomanie, nécrophilie, et tutti quanti) et saturé d’une musique ridicule qui saute allègrement du pastiche du menuet de cour à la rengaine pianistique molle à la Richard Clayderman.
Dans un château austère vivent le baron Frankenstein (Udo Kier), sa femme, qui est aussi sa sœur (!) (Monique van Vooren), leurs enfants, jeunes, beaux et taciturnes, l’assistant-homme de main du baron (Arno Juerging). Le baron ne songe qu’à s’enfermer dans son laboratoire, avec son assistant, pour créer un homme et une femme parfaits, constitués de morceaux de corps épars arrachés aux malheureux habitants de la contrée qui ont le malheur de posséder ici une belle main, là un beau torse ! La baronne, délaissée, n’a pour objectif que d’apaiser un fort tempérament malmené par la frustration, en mettant dans sa couche des mâles vigoureux.
J’abandonne là ce récit qui ne mérite pas qu’on le détaille, tant il est ennuyeux, mal rythmé, mal filmé, sans outrance autre que celle d’un permanent mauvais goût.
Pour arriver à relever une note qui, de toute façon stagnera toujours loin en dessous de zéro, qu’est-ce que je peux mettre sur la table ? La plastique agréable de Dalila Di Lazzaro – qu’on pourrait montrer davantage ! – et surtout la fin du film, qui est une unhappy end assez réussie : après que tous les protagonistes se sont éventrés, embrochés, étripés, ne demeurent dans le château que trois personnes : Nicolas (Joe Dallesandro), le vigoureux paysan, l’homme du bon sens à forte nature, qui a fait échouer les projets démoniaques du Baron mais qui – hélas pour lui ! – est solidement garrotté et suspendu par un filin dans la cave des horreurs ; et les deux enfants du Baron. Là où ça se corse et commence à devenir intéressant, c’est que les enfants entreprennent de redescendre à terre, par un système de manivelles et de poulies, le robuste serviteur… mais ils ont dans les mains les scalpels, les poinçons, les écarteurs de leur père et leurs beaux visages aussi volontaires qu’impitoyables montrent assez que Nicolas a du souci à se faire et que son transpercement, son égorgement, son découpage systématique va commencer…
C’est bien insuffisant…